Pour aller plus loin ...

I. Contrôler les conditions de détention des jeunes

La prison et les IPPJ sont des lieux de privation de liberté. Mais aussi les institutions psychiatriques, les centres fermés pour demandeurs d’asile, les orphelinats, les centres de réhabilitation, les centres curatifs… Tous ces endroits, hors de portée du regard du public… Dans quelles conditions les jeunes – et parfois les enfants – y sont-ils maintenus ? Sont-elles les mêmes partout en Europe ? Quelles sont les normes et les lois nationales et internationales en vigueur ? Sont-elles respectées ? Comment s’en assurer ?

Voici résumé le gigantesque travail d’enquête et d’analyse mené par l’ONG Défense des Enfants International (DEI). Benoît Van Keirsbilck est le directeur de son antenne belge. Il est l’initiateur d’une recherche menée dans quatorze pays. Ses conclusions ont abouti en 2016 à la publication d’un rapport très dense – Children’s Rights Behind Bars – et à la création d’un guide pratique destiné à tout professionnel chargé de surveiller, contrôler ou visiter les lieux où des enfants/des jeunes sont enfermés.

1.      Une initiative belge

DEI-Belgique est une toute petite ONG : trois employés, quelques stagiaires et bénévoles. Elle s’est créée il y a plus de vingt ans, lorsque le pays a ratifié la Convention des droits de l’enfant. « La mise en œuvre de ce texte, c’est vraiment notre focus », précise Benoît Van Keirsbilck. Vaste réseau international, DEI est implantée dans une cinquantaine d’Etats. Elle a son secrétariat à Genève, son porte-voix aux Nations Unies notamment. Les questions prioritaires que ce mouvement traite sont liées à l’enfant et la justice : les mineurs auteurs de délits ou d’infractions, les jeunes qualifiés de délinquants et leur privation de liberté dans ce cadre, mais également tout type de situation où les enfants sont confrontés au monde de la justice en tant que victimes ou témoins, ou demandeurs de faire respecter leurs droits. « Nous essayons d’infléchir le système de justice pour qu’il tienne compte du fait qu’une partie de son public est mineure et a donc peut-être moins de compétences et de capacités à comprendre comment il fonctionne. Ces jeunes ont moins accès à l’information, moins de possibilités d’être défendus et d’être véritablement entendus, explique B. Van Keirsbilck. D’autre part nous agissons sur les lois, sur les dispositifs en place, sur les mécanismes d’assistance et d’accompagnement. »

La justice des adultes est la partie visible de l’iceberg. Tout dépend des pays et des époques bien entendu mais, en général, il existe des systèmes de contrôle relativement performants, des mécanismes de prévention, des structures de médiation tant au niveau national qu’européen ou international. On pense au Comité de Prévention de la Torture (CPT), qui effectue des visites dans les lieux de détention et remet des rapports. Toutefois, ces organismes n’ont pas nécessairement une approche propre à la situation des enfants. « Or, poursuit le directeur, nous sommes persuadés que leur détention nécessite un regard particulier, plus acéré, qui retienne des standards plus spécifiques. Il est important également que les évaluateurs aient une sensibilité et une capacité à entrer en interaction avec les enfants privés de liberté. »

Plusieurs très bons guides ont déjà été publiés en matière de détention, notamment par l’Association de prévention de la torture (APT) et par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). D’autres abordent la détention de migrants, etc. mais rien de précis n’existait à propos des enfants. « Nous nous sommes engagés dans cette brèche et nous avons soumis un projet à la Commission européenne », dit-il. Le projet est particulièrement ambitieux. A l’échelle de l’ONG locale tout d’abord : le financement reçu – 500 000 euros sur deux ans – a quadruplé son budget annuel. En termes de collaborations également : l’ONG s’est adjoint les compétences d’une dizaine d’experts de renommée mondiale. Reste qu’un projet européen n’est jamais financé qu’à 80%… Malgré une contribution substantielle du Conseil de l’Europe, ce budget n’était pas encore atteint. C’est ici qu’est intervenu le Fonds Houtman.

2.      Un travail en plusieurs temps

La première étape a été de répertorier les instances de monitoring et les mécanismes de plainte qui existaient dans les quatorze pays partenaires. En clair : qui surveille la manière dont la détention des enfants est mise en place et comment sont respectés leurs droits fondamentaux. Le tout en détail. Quand ça se passe mal pour un enfant par exemple, quelles sont ses possibilités de tirer la sonnette d’alarme sachant qu’il est soumis à un rapport de force favorable au système ? Pour transmettre une plainte à une instance, il dépend nécessairement de la personne à l’origine de ses difficultés… avec le risque de représailles que cela représente. « C’est un contexte un peu compliqué, rappelle B. Van Keirsbilck. Nous voulions voir comment cela fonctionnait, comparer d’un pays à l’autre. Certains sont fédéraux, d’autres plus centralisateurs… Nous avons dégagé une vue d’ensemble d’à peu près tous les mécanismes existants. Ceux qui semblent donner de bons résultats, les modèles exportables, les bonnes pratiques locales, tous les éléments intéressants ont été mis en exergue. » Pour chaque pays partenaire, un rapport a été rédigé. La version belge est le fruit d’un travail approfondi région par région.

3.      Un guide pratique très pratique

La rédaction d’un guide pratique a suivi. Monitoring des lieux où les enfants sont privés de libertés est transversal à l’Europe (et au-delà). C’est un catalogue très complet des normes spécifiques à la détention d’enfants (qui parfois sont les mêmes que celles qui s’appliquent aux adultes). Il reprend tous les traités européens, les lignes directrices, les recommandations, les conventions internationales, les pactes, etc. « Nous sommes entrés dans le détail de chaque règle, précise B. Van Keirsbilck. Celles qui régissent le droit à avoir des contacts avec l’extérieur par exemple. Comment est-ce qu’un organisme de monitoring va contrôler ces visites ? Qui interroger ? Quoi observer ? Y a-t-il un lieu où ces rencontres peuvent se faire ? Dans quelles conditions ? A quel rythme ? » Cette partie du guide donne les indications les plus concrètes et les plus pratiques qui soient. Autre exemple : les punitions. Y a-t-il un règlement qui les prévoit ? Quelles sont-elles ? Pour quels motifs ? Et la mise en isolement, y recourt-on ? Dans quel contexte ? « Allez voir les lieux ! exhorte le directeur de DEI. Rendez-vous compte s’ils sont salubres, aérés. Offre-t-on des occupations aux jeunes ? Combien de temps est-ce que cela dure ? On invite les gens qui font ce contrôle à ne pas louper un élément. Y compris à aller consulter le dossier au greffe. A propos, est-ce qu’il y a un dossier ? Une décision légale de privation de liberté ? Il arrive que l’on soit dans l’arbitraire… » La partie la plus pointue du guide donc, et celle qui rencontre pleinement l’objectif de départ : pour améliorer la situation, il faut fournir des clés de lecture, une approche et une capacité d’observation.

Cette grille est fondée sur les normes applicables à l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe. Elle s’adapte également aux niveaux national et régional. Des encarts sont prévus à cet effet.

DEI et DEI-Belgique

L’ONG Défense des Enfants International (DEI) existe depuis 1979. Elle a pour objectifs de faire connaître et de défendre les droits de l’enfant dans le monde.

DEI-Belgique a été créée en 1991 et a rejoint le mouvement international en 1992. Elle est agréée depuis 2009 par la Fédération Wallonie-Bruxelles en tant qu’association d’éducation permanente. Elle veille à ce que la Belgique respecte mieux les droits de l’enfant. Ses domaines prioritaires sont : les enfants et la justice, les enfants migrants, l’éducation, l’information et la formation sur les droits de l’enfant, le droit de l’enfant d’exprimer son point de vue sur les décisions qui le concernent.

4.      Les jeunes ont participé

Le Conseil de l’Europe est un adjuvant de premier ordre. « Grâce à lui, relève le directeur de DEI, nous avons pu toucher un public intéressant : les gouvernements et les ministres de la justice, des décideurs. Ses moyens de diffusion sont aussi très importants. » La diffusion, c’est le stade actuel du projet. Le suivant sera celui de la formation. « Une demande de poursuite du financement a aussi été déposée pour assurer le suivi de nos actions. »

Outre un apport financier substantiel, de nombreuses ressources se sont mobilisées. « Au bout du compte, nous avons pu augmenter le nombre d’actions sans pour autant augmenter le budget », se réjouit-il. Plusieurs rencontres ont été organisées en Belgique et un travail a été mené avec les jeunes détenus à l’IPPJ de Saint-Hubert. « Ce centre fermé accueille les jeunes réputés les plus difficiles, ceux dont le système de justice des mineurs n’a plus voulu et qu’il a renvoyés vers la justice pour adultes. Ils sont en attente d’un jugement, ils sont parfois punis à des peines très lourdes pour des faits commis quand ils avaient entre seize et dix-huit ans. Leur environnement est très sécuritaire », décrit le directeur de DEI.

L’ONG leur a proposé un atelier photo. Thomas Freteur, photographe professionnel, leur a transmis des rudiments techniques et les a aidés à décrypter leur travail ; cette activité devant leur permettre d’exprimer leur point de vue, de faire part de leur expérience, de ce qu’ils ont envie de dire à l’extérieur. « C’est très important de travailler avec ces jeunes, insiste Benoît Van Keirsbilck, de leur donner la parole, d’essayer de démystifier quelque peu l’image que le public a d’eux. Ce sont les pires, c’est ce qu’on dit d’eux, et ils rentrent dans ce moule-là. Ils ont besoin de valoriser leur statut de caïd, le seul qu’on leur reconnaît et que l’on met en avant, notamment à la une des journaux. » Leur participation était volontaire et le choix de la qualité s’est tout de suite imposé. « On leur a promis de publier quelque chose de bien. Ce n’est pas parce qu’ils sont détenus qu’on allait travailler au rabais. » En deux groupes de cinq ou six, les jeunes ont pu disposer des appareils pendant quelques jours. Ils se sont pris en photo les uns les autres, ils ont pris des selfies, saisi des éléments au vol ou élaboré des mises en scène avec retardateur. Ils dévoilent leur quotidien, l’intime, leur nourriture, les couloirs vides, le courrier.

Les clichés retenus sont soignés et ils sont signés (par des pseudonymes, pour des raisons évidentes). En amont, le travail a porté sur le choix de ce qu’ils allaient montrer et comment le montrer, sur le message et le ressenti qu’ils souhaitaient faire passer. Plus tard, c’est le sens du juste et de l’injuste qui a émergé. Quelques-unes de leurs réflexions sont reprises dans le livre « Au travers des barreaux. Regards de jeunes privés de liberté. » Un livre qui s’affiche par ailleurs : plusieurs expositions ont déjà permis de faire connaître ces œuvres au public et de la sorte le vécu de leurs auteurs, leurs espoirs, et de lever un voile sur une réalité de la détention.

Cette production artistique est une manière d’humaniser les débats. Benoît Van Keirsbilck y est très attentif. « A force de parler de monitoring, de standards internationaux et de normes, on s’éloigne des jeunes tout en s’y intéressant, dit-il. Ils ne peuvent évidemment pas être parmi nous mais ce livre et l’exposition qui l’accompagne nous ramènent leur parole, les replacent symboliquement au centre des préoccupations. »

« Quand je suis arrivé ici, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait des grillages, des barbelés… C’est pire que ce que j’imaginais pour une prison pour enfants. J’ai été choqué. »

Un jeune de 16 ans

Ce livre a pour vocation d’expliquer comment fonctionne la justice des mineurs dans un langage accessible. Il coupe aussi les pattes à bon nombre de clichés et d’idées reçues : « Les IPPJ, c’est le Club Med », « A dix-sept ans, on n’est plus un enfant », « Les délinquants ne comprennent que l’enfermement », « Les juges sont trop laxistes », « La médiation ne fonctionne pas »… « Il y a beaucoup de mésinformation, déplore le directeur. Que dit la loi belge ? Qui peut être détenu ? Dans quel cadre ? Nous avons conçu cet ouvrage comme un outil de plaidoyer mais aussi comme un outil pédagogique, un instrument pour lancer un débat, une discussion, pour réfléchir en classe par exemple. »

Sarah Grandfils, coordinatrice du projet Children’s Rights Behind Behind Bars :

« Aucun guide de ce type n’existait à l’attention exclusive des enfants privés de liberté. Or la visite et le contrôle les lieux qui les accueillent doivent se faire de manière spécifique, selon des méthodes adaptées. Le guide est conçu comme un outil méthodologique d’évaluation. La première partie est plutôt descriptive du contexte de la privation de liberté et du fonctionnement des différents mécanismes de contrôle existants. La deuxième partie a pour but d’aider les visiteurs à élaborer une stratégie de monitoring, à préparer leur venue, à suivre les mesures d’exécution, à rédiger des rapports. Le guide leur fournit une sorte de grille d’analyse des conditions de privation de liberté et du traitement réservé aux enfants au regard des normes et standards européens et internationaux applicables dans ce domaine. Ce sont des questions que l’on suggère au visiteur de se poser et on lui propose des indicateurs qui lui permettent de réunir des éléments de réponse. On va notamment l’inciter à s’entretenir avec les enfants eux-mêmes, avec leur avocat, avec le personnel, avec la direction. C’est un outil qui place l’enfant au centre de l’évaluation et on veillera toujours à recueillir son point de vue. »

5.      Le suivi

Comment analyser l’impact de cette recherche sur le terrain ? Pour DEI, les jeunes doivent être associés au monitoring des conditions de leur détention. « Dans cinq pays, nous allons les impliquer de différentes manières, par différentes formes d’expression comme le théâtre action, la photo, la radio ou d’autres formes d’expression artistiques, afin de recueillir leur parole sur ce qui fonctionne et sur ce qui ne fonctionne pas. Les amener à dire leur réalité, leur vécu. Mais aussi leur fournir des clés de lecture car, s’ils ne connaissent pas les règles applicables, ils auront du mal à les évaluer. »

L’ONG a introduit une demande de financement pour installer parallèlement un processus d’auto-évaluation pour les instances qui pratiquent la privation de liberté. « On attend d’elles qu’elles utilisent ce guide en s’interrogeant sur leur mise en application des critères indiqués. Nous leur proposons ensuite d’analyser ensemble les problèmes les plus importants qu’elles auront détectés et d’élaborer des pistes pour améliorer la situation. » Le directeur attend aussi le feed-back des utilisateurs du guide et envisage encore de développer des formations sur la base d’un guide qui peut être adapté aux normes applicables dans d’autres régions du monde.

En Europe et au-delà

  • Les pays partenaires du projet sont l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Estonie, la France, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie. Les partenaires associés sont le Centre des Droits de l’Enfant (République de Serbie), The Howard League for Penal Reform (Royaume-Uni), l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) et le Conseil de l’Europe (CoE).
  • Le rapport Children’s Rights Behind Bars spécifique à la Belgique est disponible en français, en néerlandais et en anglais. Voir cette page
  • Le guide pratique est disponible en français et en anglais. Voir cette page
  • Des traductions du guide pratique sont prêtes ou en voie de l’être en polonais et en italien. Elles sont en projet pour l’espagnol.
  • Hors Europe, des demandes d’adaptation ont été formulées pour le Moyen-Orient (avec traduction en arabe), pour l’Afrique et l’Amérique latine. Au Canada, le défenseur des droits de l’enfant du New Brunswick envisage de l’adapter à la réalité de son pays.
  • Le Guide pratique a été présenté à de nombreuses conférences internationales : au Japon, au Canada, aux Etats-Unis, en Bulgarie, à Genève (notamment au Comité des droits de l’enfant, au Comité contre la Torture). Des formations ont eu lieu ou sont en préparation, notamment en Mauritanie.

6.      Pour en savoir plus

7.      Contacts

II. Les enfants en bas âge face à l’incarcération de leur mère

En Belgique, on ignore le nombre précis d’enfants dont la mère est incarcérée – qu’ils soient en prison avec elles (c’est permis jusqu’à l’âge de trois ans) ou sous la responsabilité de quelqu’un d’autre extra muros.

Des chercheurs du Panel Démographie Familiale et du Centre de recherches et d’interventions sociologiques de l’Université de Liège (CRIS) se sont rendus dans les quartiers de femmes des prisons de Lantin, Mons et Berkendael (Bruxelles). Ils ont rencontré des mères incarcérées, ils les ont écoutées. Leur vécu et celui de leurs enfants ont mis en évidence des besoins très spécifiques. Ils se sont aussi penchés sur les textes de lois. Que disent-ils ? Quelles sont les procédures ? Rien, ou presque, n’est fixé… En collaboration avec différents acteurs extramuros (1), ils ont développé de nombreuses recommandations.

Ce travail a permis d’évaluer les conditions de vie et les relations familiales des enfants moins de six ans dont la mère est incarcérée. Comment se passe une arrestation en leur présence et comment sont-ils pris en charge ? Que leur dit-on ? Comment se passent une grossesse et un accouchement en prison ? Les lieux sont-ils adaptés à l’hébergement d’enfants en bas âge ? Comment le lien s’entretient-il ensuite ? Comment se prépare la libération ? Cette recherche menée d’octobre 2011 à décembre 2013 est à la croisée de plusieurs champs d’investigation : l’incarcération, la parentalité, la petite enfance. Elle a été menée par Salim Megherbi, Aude Lejeune et Stéphanie Linchet, sous la direction de Marie-Thérèse Casman, Frédéric Schoenaers et Laurent Nisen.

1.      Premier volet de la recherche : l’impact de l’incarcération des mères sur les enfants de moins de six ans

1.1       Quelques chiffres

Les chercheurs ont collecté des informations relatives à la situation de 39 mères détenues ayant un enfant de moins de six ans, et de 56 enfants âgés de moins de six ans.

  • Parmi les 56 enfants, 10 sont nés pendant la détention. 7 d’entre eux y ont vécu par la suite. 4 autres  furent accueillis auprès de leur mère détenue après une naissance hors détention.
  • 84,61% des détenues vivaient avec au moins un enfant de six ans (ou plus jeune) avant leur incarcération.
  • Un tiers des mères étaient incarcérées de manière préventive, et un tiers étaient condamnées à une peine de moins de cinq ans.
  • Un tiers des mères déclaraient être en couple au moment de l’étude.
  • Un quart des fratries étaient éclatées avant l’incarcération, un quart des enfants ne vivaient plus avec leur mère.
  • Les relations des mères avec leurs propres parents et fratries sont conflictuelles, les antécédents familiaux souvent défavorables.
  • Un tiers des mères sont allées à l’école au-delà de dix-huit ans.
  • 65% étaient sans emploi avant l’incarcération.
  • Elles ont des revenus faibles, qu’elles estiment insuffisants pour joindre les deux bouts alors que certaines vivaient avec plusieurs enfants.
  • Un tiers occupait un logement à loyer réduit, un cinquième était logé à titre gracieux.
  • L’incarcération a eu un impact sur le réseau social de deux tiers des détenues.

 

« Dans bon nombre de situations, l’incarcération de la mère n’était qu’une étape de leur parcours. Les situations difficiles, instables voire insécurisantes pour les enfants sont récurrentes », ajoutent les chercheurs. Quid des pères ? Leur situation économique semble meilleure mais ils sont très souvent absents : moins d’un tiers des enfants vivent auprès d’eux depuis l’incarcération de la mère, la majorité des autres ne les voient jamais ou exceptionnellement. « Les détenues n’ont pas pu procurer d’informations pour près d’un père sur cinq », relèvent les chercheurs.

1.2       Un jeune enfant a-t-il sa place auprès de sa mère incarcérée ?

L’idée générale héritée de la Convention internationale des Droits de l’Enfant (1989)[2] est le maintien des relations familiales, excepté si l’intérêt supérieur de l’enfant justifie une séparation. La réponse à la question est donc plutôt oui… Encore faut-il qu’ils soient tous deux hébergés dans des structures adaptées.

En droit belge, seule la règle générale issue de ce texte des Nations Unies a force juridique. Pour la rédaction de la Loi de principes concernant les prisons ainsi que le statut juridique des détenus parue le 2 février 2005 au Moniteur[3], la Belgique s’est inspirée des Règles pénitentiaires européennes[4]. Des dispositifs concrets et précis sont prévus et pourraient mener à une organisation structurelle des visites des enfants à leur parent en prison.  « Il faut cependant nuancer la force juridique de la loi de 2005, font remarquer les chercheurs. Car elle requiert des arrêtés d’exécution qui ne sont toujours pas parus… »

Comment les enfants vivent-ils l’incarcération de leur parent ? Divers troubles peuvent se manifester chez les nourrissons, notamment des difficultés relationnelles concrétisées par un comportement accaparant ou agressif. Chez les petits, il peut s’agir de symptômes régressifs et post‐traumatiques tels que des maux de tête et de ventre, des otites, des insomnies, des phobies nocturnes, des pleurs, la réapparition de la succion du pouce, mais aussi des angoisses d’abandon et un sentiment de culpabilité. La scolarité et l’alimentation sont aussi des sphères qui peuvent refléter un mal-être.

Un conflit de loyauté apparait lorsque l’enfant devra faire un choix entre deux figures d’attachement. « Il tend à prendre parti pour le parent le plus fragile », soulignent les chercheurs. Le maintien du lien permettrait de limiter les troubles psychologiques. « Le niveau de bien-être des enfants qui voient leur parent détenu serait plus élevé que celui de ceux qui ne le voient pas, ajoutent-ils. Ils ont une vision plus réaliste et rationnelle, ils savent qu’il est en sécurité. » Pour le détenu, le maintien des relations permet une meilleure réinsertion sociale et une réduction du risque de récidive. Cependant, tous ne choisissent pas de dire la vérité sur leur situation, pensant de la sorte protéger leur enfant, minimiser le choc, maintenir une image positive. Ils ont aussi peur d’un rejet. L’enfant pourtant perçoit la tension de ses proches. Le manque d’information l’insécurise et l’effraie. « Ces effets sont réduits lorsqu’ils connaissent la raison – pas nécessairement les motifs – de la séparation et sa durée, notent les chercheurs. »

Garder son enfant auprès de soi permet d’éviter les effets d’une séparation précoce. Mais les besoins propres à un jeune enfant (hygiène, santé, relations sociales) sont difficiles à rencontrer en prison. Il est moins stimulé, ce qui risque de ralentir son développement. Il est rarement en contact avec d’autres membres de sa famille, ce qui peut conduire à une relation fusionnelle avec sa mère. La socialisation de la mère est aussi impactée. La présence de son enfant la prive d’un accès au travail, à des formations et à des activités durant sa détention. « Nos observations et les propos recueillis auprès de professionnels ont montré que l’adaptation au milieu carcéral est moins difficile pour les bébés, pour ceux qui ne se déplacent pas encore et pour ceux qui n’ont pas ou peu connu la vie en dehors de la prison. Cependant, si, vu son très jeune âge, l’enfant ressent moins directement la spécificité de la situation, il vit également l’enfermement à travers les réactions de sa mère, son stress, sa colère, sa tristesse… »

Les répercussions sur le développement d’un enfant qui a longuement vécu avec sa mère en prison restent difficiles à évaluer. « Il est malaisé de distinguer les conséquences propres à l’incarcération de celles dues à l’attitude de la mère. Certains intervenants sont par ailleurs perplexes sur la réalité de ces répercussions, les effets positifs liés à la présence de la mère et au maintien du lien contrebalançant selon eux les effets négatifs dus au contexte carcéral », disent les chercheurs. Ils ont aussi observé que le soutien existant en prison pouvait être une réelle opportunité pour des femmes manquant de ressources (matérielles ou psychologiques) pour élever un enfant dans des conditions peut-être meilleures qu’à l’extérieur. « Il faut aussi prévoir la fin de l’incarcération, notent-ils, et rester attentif à ne pas créer d’écart entre les dispositifs carcéraux et la réalité de la mère. »

 

1.3       Le difficile exercice de l’autorité parentale

La détenue étant perçue principalement sous l’angle de sa condamnation, elle sera plus facilement disqualifiée dans son rôle de mère. Tout problème peut être interprété comme une incapacité à s’occuper de son enfant alors que les conditions d’éducation en prison ne lui permettent pas de prendre des décisions libres et impliquent des contraintes dont elle n’est pas responsable. « Ses comportements sont observés et jugés ; elle n’a guère droit à l’erreur. » Le parent conserve pourtant son autorité parentale, à de rares cas près. Mais l’incarcération rend son exercice très compliqué. « Elle entraîne souvent une difficulté à se représenter en tant que parent et à appréhender son rôle de parent, remarquent les chercheurs. Cette difficulté peut déboucher sur une réelle inaptitude à maintenir une relation avec son enfant. De nombreuses mères se sentent coupables, elles tendent à attribuer à leur incarcération les perturbations que leur enfant traverse. » La Cour européenne des droits de l’homme souligne l’obligation pour les autorités pénitentiaires d’aider les détenus à maintenir  des contacts avec les membres de leur famille mais cette obligation est difficilement conciliable avec les impératifs de sécurité…

1.4       Communiquer

Plusieurs canaux de communication coexistent pour maintenir les liens mère-enfant quand ils ne vivent pas ou plus ensemble en prison. Visite, téléphone ou courrier, ils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients.

Quelques indicateurs tout d’abord :

  • Trois enfants sur quatre sont en contact avec leur mère sans différence majeure d’utilisation des trois voies de communication.
  • Plus la condamnation est longue, plus l’enfant a de chances de voir sa mère.
  • Les enfants de moins de 6 ans ont plus de risques que les autres de n’avoir de contacts avec leur mère que de manière irrégulière ou exceptionnelle (voire jamais).
  • Le coût des déplacements (temps, argent, énergie) peut être un frein au maintien du contact, tout comme le refus du responsable de l’enfant ou celui de la mère, ou encore le fait que l’enfant ne sache pas que celle-ci est incarcérée.
  • Les enfants qui ne vivent pas en prison avec leur mère peuvent être pris en charge dans différents milieux. Une situation qu’un quart d’entre eux connaissaient déjà avant l’incarcération.

« Maintenant, je les vois une fois par mois. Pour la petite, c’est parce qu’elle habite loin, et pour le petit, c’est le SAJ qui a décidé. Il est hyperactif, il a un retard mental de deux ans, c’est compliqué. Ce sont deux visites séparées. Ils se sont déjà vus, mais il y a de la jalousie entre eux. Je fais les visites en individuel, je n’ai pas droit aux collectives, mais c’est mieux, je préfère, je profite plus de mes enfants. C’est sur décision du SAJ. »    Une mère de deux enfants, incarcérée depuis quatre ans et trois mois.

Les visites. Les visites sont importantes. Même hebdomadaires, elles ne constituent cependant que de brefs moments. « Cette fréquence relativement faible est encore ralentie par la moindre annulation, ont remarqué les chercheurs. La part d’imprévisibilité propre à la vie en prison met à mal le maintien des contacts. » L’organisation (équipement, présence d’autres personnes, horaire) n’est pas toujours optimale. Les visites à table sont les plus fréquentes ; ce n’est pas la formule qui permet le plus d’interactions. « Or des jeux permettraient de désamorcer des situations difficiles. »

Aucun enfant de moins de six ans ne rend visite à sa mère de sa propre initiative. Ils ne sont pas nombreux non plus à bénéficier de l’accompagnement de volontaires. « Les responsables des enfants préfèrent peut-être les accompagner eux-mêmes vu leur jeune âge », se demandent les chercheurs. Ils posent aussi la question de l’accessibilité de ce type de service. « Est-il adapté à tous les utilisateurs potentiels ? Est-il suffisamment développé pour répondre à toutes les demandes ? »

 

Le téléphone. Il permet une interaction directe, certes limitée, et évite un déplacement. La prison se situe en effet rarement à proximité du lieu de vie de l’enfant. Il est qualifié d’intrusif pour l’enfant : ce n’est pas lui qui passe le coup de fil, c’est toujours sa mère. La conversation manque aussi d’intimité. Et il coûte cher. « Un système de vidéo serait peut-être plus adapté », proposent les chercheurs, pensant aux plus jeunes qui n’ont pas encore accès au langage.

Le courrier. L’enfant peut s’en imprégner en le relisant, prendre l’initiative du contact. Il autorise divers modes d’expression : dessin, histoire,  photos, etc. Le parent incarcéré peut écrire autant qu’il le souhaite, mais doit en supporter le coût financier.

1.5       Grossesse et accouchement

La question de la grossesse en prison n’est pas anecdotique. Dix des trente-neuf femmes rencontrées ont donné naissance à un enfant alors qu’elles étaient incarcérées.

Aucune procédure ne règlemente la grossesse et l’accouchement en milieu carcéral. Le transfert de la prison d’origine à celle de Bruges (habilitée à permettre l’accouchement) était prévu et organisé jusqu’à maintenant. Actuellement, les établissements sont à la recherche de lieux de naissance plus proches de la prison d’origine. Les situations restent singulières et le pouvoir discrétionnaire. Le matériel spécifique est variable d’un établissement à l’autre, du plus vétuste au plus moderne. Le personnel requis pour le suivi médical n’intervient pas partout. Dans les trois quartiers de femmes visités, les lieux sont très contrastés, tant du point de vue mobilier (cellule adaptée, coin aménagé), humain (intervention de professionnels) ou organisationnel. « Les mères qui en ont la possibilité sollicitent un médecin extérieur, à leurs frais », notent les chercheurs.

1.6       Les relations avec les professionnels

Les détenues n’identifient pas toujours leurs interlocuteurs ni leurs fonctions et ne savent donc pas clairement à qui adresser leurs demandes. Du côté des professionnels, les chercheurs ont également détecté une certaine méconnaissance des rôles et niveaux de compétence de chacun. La surcharge de travail est évoquée à de nombreuses reprises, ne permettant pas un suivi optimal des détenues. Ils ont relevé le manque de professionnalisme de quelques intervenants (manque de volonté et de fibre sociale, jugements de valeurs). Le degré d’implication d’un intervenant peut aussi dépendre de sa marge de manœuvre. « Celle-ci est souvent liée à son ancienneté, aux contacts noués avec le personnel pénitentiaires et avec la direction », relèvent-ils. Ils ont remarqué que les informations circulaient difficilement entre l’intérieur et l’extérieur de la prison, entre les différents acteurs impliqués et au sein des quartiers. La voie informelle est couramment utilisée, reflétant une absence de coordination. « L’organisation pénitentiaire et sa logique sécuritaire entravent souvent le travail des intervenants, qui préfèreraient des logiques humaine ou sociale. Leur travail est ralenti par les priorités carcérales. »

1.7       Des moments fragiles

L’arrestation et la remise en liberté de sa mère sont des étapes marquantes pour un enfant. Sa vie sera à deux reprises bouleversée.

L’arrestation de la mère. Près d’un enfant sur deux a assisté à l’arrestation de sa mère. Parfois, une assistante sociale est présente mais, la plupart du temps, la prise en charge des enfants se fait dans l’urgence. Quelle solution ? A qui les confier ? Le réseau d’accueil est saturé. Le séjour en milieu hospitalier est une alternative fréquente mais inadaptée. L’urgence fait souvent fi de la proximité géographique et de la particularité de la situation. Le placement intrafamilial apparaît comme une solution naturelle car il maintient l’enfant dans un environnement connu ; c’est une solution rapide à mettre en œuvre mais elle n’est pas garantie de succès vu les enjeux en présence. « Le poids de l’incarcération, les nouvelles charges et responsabilités, l’histoire familiale fragilisée, les enjeux relationnels, le risque de devoir faire un choix entre la détenue et l’enfant, sont autant d’éléments pouvant perturber l’accueil par des proches », rappellent les chercheurs.

« J’étais avec mes deux filles. Ils m’ont dit que je devrais les mettre à l’hôpital. Elles y sont restées trois semaines. La petite pouvait rester avec moi mais pas la grande. Ma mère est arrivée la seconde semaine, mais elle n’a pas pu les avoir. Je leur ai expliqué ce qui allait se passer. La petite avait 8 mois, elle n’a rien compris. Mais la grande a pleuré. Je préférais qu’elles restent ensemble, pour qu’elles se sentent mieux. Ça me tracasse beaucoup, c’est la première fois qu’on est séparées. Je lui ai parlé une fois au téléphone, elle voulait que je vienne la chercher, j’ai dit que sa grand-mère allait venir, quand elles étaient à l’hôpital. Elles n’ont pas bien été traitées, la plus grande avait de la fièvre, elle a perdu du poids. »  

                                                                   Une mère de deux enfants, incarcérée depuis six mois.

Durant l’incarcération de leur mère, quatre enfants sur cinq ont été pris en charge soit par leur père soit par la famille (grands parents, tante, etc.). La moitié de ceux qui ont été placés en institution ou en famille d’accueil externe l’étaient déjà avant. « On voit aussi que les jeunes enfants se retrouvent deux fois plus souvent en institution que les autres. »

La remise en liberté. La libération de la mère s’accompagne d’un changement aussi radical qu’au moment de son arrestation. L’enfant a grandi, il a connu une nouvelle dynamique en son absence, il a créé d’autres liens, surtout lorsque les peines sont longues. Il est important de préparer avec lui le retour prochain de sa mère.

Lorsque l’enfant est placé en famille d’accueil extérieure ou en institution, les procédures de retour sont longues et rares. La mobilisation de la détenue passe par un accompagnement. Au-delà de ses bonnes intentions, sera-t-elle capable de maintenir le contact installé avec son enfant durant l’emprisonnement ? Comment éviter de tomber dans le contrôle social ? « Lorsque nous avons interrogé les détenues sur leurs projets de sortie, nous avons souvent eu l’impression d’un discours formaté, comme celui que l’on sert pour une demande de congé ou de libération conditionnelle… Mais cela n’exclut pas le fait qu’elles aient réellement intégré leur projet familial et de réinsertion. » En général, les piliers de ce projet sont : trouver un logement, une formation, un emploi.

2.      Second volet : améliorer la situation

Une amélioration de la situation ne peut passer que par la prise en compte des besoins spécifiques de ces jeunes enfants, ainsi que par une plus grande sensibilisation et une meilleure coordination entre les intervenants concernés.

Le Fonds Houtman a continué à soutenir ce projet entre 2014 et 2016 en finançant l’organisation de modules destinés aux acteurs extra-muros impliqués dans la prise en charge de ces enfants. Ces modules ont mené à la rédaction d’un guide de bonnes pratiques, qui est en voie d’achèvement.



2.1       Recommandations

A l’issue de leur premier travail d’enquête, les chercheurs ont nommé plusieurs freins au bien-être et à la sécurité affective des jeunes enfants dont la mère en prison :

  • Une contradiction permanente entre les logiques sécuritaire et sociale en milieu carcéral ;
  • L’inadéquation fondamentale de l’atmosphère carcérale pour les enfants qui y sont accueillis ;
  • Le caractère imprévisible de la détention ;
  • Le manque d’information des mères incarcérées ;
  • Le manque de moyens du secteur de l’Aide à la Jeunesse ;
  • La complexité du parcours de vie des enfants concernés …

Ils ont également formulé plusieurs recommandations :

  • Une plus grande sensibilisation des acteurs concernés, afin de limiter les séparations mère-enfant en bas âge et de prendre en compte l’intérêt des jeunes enfants.
  • Une plus grande coordination entre la magistrature, les services de police et les services de l’aide à la jeunesse, particulièrement à certains moments clés du parcours des mères et des enfants, notamment lors de l’arrestation.
  • Une amélioration de la fréquence et de la qualité des relations entre les mères incarcérées et leur enfant en bas âge, par l’amélioration des visites spécifiques adaptées aux tout-petits et par l’utilisation de nouveaux moyens de communication.
  • L’installation effective d’une unité mère-bébé distincte et séparée des sections carcérales est souhaitable, ainsi que la mise à disposition du protocole sur la naissance et l’accueil des bébés en prison. Sont signataires de ce document (relatif à l’accueil d’enfants en bas âge auprès de leur parent détenu et à l’accompagnement des femmes enceintes en détention) la Ministre de la Justice, le Ministre de l’Enfance, la Ministre de l’Aide à la Jeunesse et de l’Aide aux Détenus et l’ONE. 
  • Un renforcement de l’accompagnement et du suivi psychosocial des enfants et des familles qui les accueillent, lorsque les enfants sont placés dans la famille élargie.
  • Un meilleur accès à l’information relative à leurs droits, tant pour les mères incarcérées que pour les enfants et leur famille.

2.2       Des modules de sensibilisation

Les chercheurs ont ciblé plusieurs catégories d’intervenants et professionnels concernés : police, magistrature et barreau, services d’aide à la jeunesse, services d’accueil spécialisés de la petite enfance, services d’aide aux détenus, services lien et services psycho-sociaux des prisons. « Nous avons analysé leurs besoins en termes d’information au sujet des parcours de vie des enfants. Cette phase de diagnostic nous a fourni un matériau empirique inédit et ciblé qui nous permis de prendre connaissance des réalités et pratiques de terrain de ces différentes catégories d’acteurs », disent les chercheurs. Des modules ont ensuite été construits en vue d’améliorer la prise en charge des enfants. Leur but :

  • transmettre une information adaptée au public au sujet des enfants en bas âge dont la mère est incarcérée en Belgique francophone ;
  • sensibiliser les publics concernés sur les multiples difficultés de parcours rencontrées par ces enfants ;
  • conscientiser les publics concernés sur les rôles de facilitateurs qu’ils pourraient jouer ;
  • discuter et élaborer avec les publics concernés d’éventuelles « bonnes pratiques » dans la prise en charge des enfants visés ;
  • envisager des solutions possibles et concrètes aux problèmes rencontrés.

« Créer un espace d’échange entre ces différentes parties nous paraissait fort intéressant, ajoutent les chercheurs, puisque le parcours de l’enfant se réalise dans une logique processuelle dont les différentes étapes sont parfois entremêlées dans la pratique. » En créant un lien et une collaboration entre ces institutions, la cohérence et la coordination sont renforcées. Les intervenants ont présenté leurs manières de travailler localement et discuté des pratiques envisageables pour favoriser la prise en charge de ces enfants. Ces échanges ont aussi contribué à une meilleure connaissance des uns et des autres.

2.3       La rédaction d’un guide de bonnes pratiques

Les chercheurs, les intervenants et les professionnels ont ensuite élaboré un guide de bonnes pratiques. Il reprend chronologiquement les étapes de la prise en charge de la mère et les conséquences pour son enfant :

  • La privation de liberté ;
  • La décision relative à la mise en détention ;
  • L’entrée en prison ;
  • La détention (dont le maintien du lien, les visites, l’accompagnement de l’enfant dans ses lieux de vie et les aménagements de la détention).

Une orientation transversale aux différentes étapes complète cette liste.

Ces bonnes pratiques, une petite trentaine, ne réclament pas de réforme institutionnelle fondamentale. « Elles sont réalisables à court terme, soulignent les chercheurs. Elles ont d’ailleurs déjà été mises en place par endroits. » Elles devraient cependant s’accompagner d’une réflexion globale sur ce qu’est la prison aujourd’hui dans notre société. Comment l’éviter, comment en proposer de mieux adaptées pour que les enfants puissent y vivre avec leur mère de façon plus décente ? Et de penser aussi à l’après. Quels acteurs pour quelle réinsertion ? « Tant pour les mères que pour les autres détenus, ce sujet mérite une attention. On appréhende cet après… C’est le vide abyssal, ce qui explique qu’il y en a tellement qui reviennent en prison », concluent les chercheurs.

Le guide ne devrait pas manquer d’intéresser un très grand nombre de professionnels et de personnes touchés par la problématique de ces jeunes enfants dont le parent est incarcéré :

  • Police ;
  • Magistrature/Barreau ;
  • Services d’Aide à la Jeunesse ;
  • Services d’accueil spécialisés de la petite enfance ;
  • Services Parents-Secours ;
  • Services d’accueil familial d’urgence ;
  • Institutions d’accueil de l’enfant ;
  • Administration pénitentiaire et prisons ;
  • Direction de la Gestion de la Détention ;
  • Services psycho-sociaux ;
  • Services lien et services d’aide aux détenus ;
  • Office de la Naissance et de l’Enfance ;
  • Centre de surveillance électronique ;
  • Maisons de Justice ;
  • Responsables de l’enfant à l’extérieur de la prison ;

3.      Pour en savoir plus

o   FH-ULg Maternités incarcérées Rapport final février 2014.pdf

o   FH-ULg Maternités incarcérées Résumé exécutif dernière version.pdf

  • Lien (bientôt disponible) vers le guide de bonnes pratiques

 

4.      Contact

Pr. F. Schoenaers,  S. Megherbi et A. Lejeune

Université de Liège

Centre de recherches et d’interventions sociologiques (CRIS)

Faculté des Sciences Sociales/Sociologie de l’organisation et de l’intervention

Bureau 2/100 – B31, Place des orateurs 3 (Quartier Agora), à 4000 Liège.

Courriel : Salim.Megherbi@ulg.ac.be – aude.lejeune@ulg.ac.be

Tél. : 04 366 27 42.