Pour aller plus loin...

Chaque jour nous interagissons avec les autres, proches ou moins proches. Nous blaguons, posons des questions, commentons, nous exprimons nos émotions et nos sentiments, nous acceptons ou refusons des propositions, nous demandons de l’aide, nous remercions, nous saluons… Nous recevons aussi, comprenons et transmettons de manière autonome divers messages dans nos différents environnements de vie. Toutefois, pour des enfants qui ne peuvent pas se fier uniquement à leur parole pour communiquer, tout cela relève du défi. Et il en va, entre autres, de leur droit à participation, de leur bien-être et de leur développement.

Le Fonds Houtman a soutenu deux recherches-actions portant sur la communication alternative augmentée, ou CAA : des systèmes qui ont pour objectif de compenser et faciliter de façon temporaire ou permanente les difficultés des personnes présentant des besoins complexes en communication.

I. Création d’un dispositif d’information et de sensibilisation pour améliorer les opportunités de communication des enfants (0-12 ans) qui utilisent des systèmes de communication alternative améliorée (CAA) - Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain

« La CAA concerne tout le monde ! soulignent les trois chercheuses qui ont mené ce projet. Communiquer, exprimer ses besoins est hyper important pour un enfant, c’est la base de son autonomie future. »

Joanne Gosselain est logopède et assistante de recherche. « Des enfants n’ont toujours pas ou pas suffisamment de moyens (conventionnels) pour communiquer, constate-t-elle. Le sujet doit être mis sur la table, d’autant qu’il existe peu de recherches sur lesquelles se baser en Belgique francophone, un manque qui peut aussi avoir des incidences sur les futurs professionnels en formation. » Nathalie Nader-Grosbois est professeure, docteure en sciences psychopédagogiques et en sciences psychologiques. Sa formation en orthopédagogie clinique l’oriente vers les spécificités du développement et du fonctionnement d’enfants et d’adolescents qui ont des troubles du développement, qui sont en situation de handicap très marqué. Elle insiste pour ne pas tenir uniquement compte de leurs difficultés, mais aussi de leurs compétences pour les mobiliser afin de mieux les accompagner et d’améliorer l’intervention individuelle ou de groupe à leur égard. Anne Bragard est logopède de formation, chargée de cours et de recherche à l’UCLouvain et responsable scientifique de la chaire UCL-IRSA (Institut Royal des Sourds et Aveugles). Pour elle, le lien entre la recherche et le terrain est essentiel. « Mener des recherches appliquées qui ont du sens pour les professionnels de terrain, c’est ce qui m’a attirée dans cet appel à projets, dit-elle : trouver des solutions pour eux et avec eux. »  

Elles se rejoignent dans l’idée de dépasser le simple relevé des bonnes pratiques et d’identifier les leviers d’action pour intervenir de façon innovante ou d’optimiser des pratiques déjà à l’essai et qui rencontrent les valeurs qui guident les enfants et les familles. « Ces avancées doivent aussi se combiner avec des objectifs de formation initiale et continue et aboutir à sensibiliser la société et les services d’accompagnement pour qu’ils sachent où trouver l’information et… pour que des financements suivent », ajoutent-elles.

 

1.1 CAA : de quoi parle-t-on ?

L’utilisation d’outils de communication alternative améliorée peut servir à compenser ou remplacer un manque de parole ou à augmenter une parole dite inintelligible. En effet, certaines personnes ne peuvent utiliser la parole de façon suffisamment fonctionnelle et/ou conventionnelle pour communiquer. Elles peuvent en revanche être entrainées à utiliser des systèmes de communication alternative et améliorée.

Ces systèmes constituent une alternative à la communication parlée ou écrite. On distingue les systèmes sans assistance : gestes, langue des signes… qui recourent à des moyens que l’on a sur soi (par exemple les mains), et les systèmes avec assistance. Ceux-ci exigent du matériel et une certaine technologie, qui peut être basse (carnets de communication, écrits, photographies, dessins ou pictogrammes) ou haute (logiciels sur ordinateurs ou tablettes, dispositifs avec synthèse vocale ou commande oculaire). Tous ces systèmes pour améliorer ou compenser la communication peuvent être mis en place de façon temporaire ou permanente. Multimodaux, ils peuvent aussi être utilisés conjointement.

Les conséquences d’une communication insuffisamment fonctionnelle sont multiples, directes ou indirectes. « Parmi les conséquences directes, on peut noter l’absence de médiateur efficace de la pensée, notent les chercheuses. Parmi les conséquences indirectes, on peut relever l’influence sur la qualité de vie de l’enfant de ne pas pouvoir communiquer efficacement, des conséquences dans le domaine affectif, émotionnel et social. » Le relevé de la littérature qu’elles ont effectué montre que les systèmes de CAA favorisent l’autonomie, améliorent les compétences sociales et relationnelles.

 

1.2 Pour qui ?

« Les utilisateurs de CAA peuvent être des enfants, des adolescents, des adultes, à développement typique ou atypique ou encore avec un trouble acquis au cours de leur vie, précise Joanne Gosselain. Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes plus particulièrement intéressées aux enfants. »

Ne pas avoir accès à une parole fonctionnelle restreint de manière importante la participation des enfants à besoins spécifiques. L’utilisation de la CAA peut concerner les enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme, les enfants qui présentent une paralysie cérébrale, les enfants avec des troubles cognitifs ou des troubles sensoriels simples (une déficience auditive) ou associés (la surdicécité). La CAA peut aussi concerner les enfants avec des syndromes génétiques ou présentant une dyspraxie verbale, une dysarthrie ou des troubles d’apprentissage, les enfants qui présentent une déficience intellectuelle ou des enfants avec un déficit d’attention/hyperactivité ainsi que les enfants en situation de polyhandicap.

« Les gens ont besoin d’occasion de communication pour développer leurs compétences communicatives, relèvent les chercheuses. Or, il arrive que des obstacles, plus ou moins systématiques limitent les possibilités. » Ces obstacles ont trait aux pratiques, connaissances, compétences et attitudes des professionnels de première ligne et des familles. « Certaines familles sont découragées par la formation technique nécessaire pour utiliser un système de CAA, remarquent-elles ; d’autres ne comprennent pas les raisons ni la nécessité d’une intervention CAA chez leur enfant, ne ressentent pas de difficulté pour le comprendre. Elles ne se rendent pas toujours compte non plus que leur enfant n’est pas en mesure de transmettre des messages sur des contenus abstraits ou des messages qui font référence au passé par exemple. » Elles ne savent parfois pas comment s’y prendre pour les aider à communiquer. Du côté des professionnels – logopèdes, enseignants –, les chercheuses relèvent également des freins. Ils sont liés aux compétences technologiques, à l’information, au temps de formation et à la connaissance des outils de CAA. Leur recherche-action entend aussi contribuer à les lever.

 

1.3 Objectifs, question et méthodologie de la recherche

Cette étude exploratoire a été réalisée sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle a pour objectif d’examiner les facteurs en jeu dans le processus de choix et d’utilisation de systèmes de CAA pour des enfants à besoins spécifiques âgés de 0 à 12 ans, en considérant leurs milieux de vie, en vue de favoriser leur participation sociale.

Plusieurs questions ont guidé la démarche.

  • Quelles sont les offres de services et de formations en Belgique francophone ? « Nous avons listé les services qui interviennent autour de la CAA et nous nous sommes posé plusieurs questions : quels sont les services qui accompagnent les familles et l’enfant, quels sont ceux qui interviennent financièrement pour l’achat ou le prêt de matériel ? Quels sont les services qui forment les familles et les professionnels ? Existe-t-il des lieux de référence en CAA qui accompagnent les familles et les professionnels ? »
  • Quel est le parcours des familles pour choisir et mettre en place un système de CAA ? « Nous avons cherché à comprendre les différentes étapes que les familles franchissent. Quels sont les éléments facilitateurs et les freins à chacune d’elles ? »
  • Quels sont les facteurs de risque et de protection pour une issue positive ? Quelles sont les différentes trajectoires au sein de cette démarche ? Quels sont les éléments qui expliquent des trajectoires différentes ? Quels sont les services et les acteurs impliqués, et à quels moments ?
  • Quel est le vécu des professionnels de terrain par rapport à la CAA ? « Nous souhaitions comprendre le rôle des professionnels ainsi que leur niveau de connaissance, et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. »
  • Quels sont les facilitateurs et les freins observés dans le choix d’un système de CAA et dans la participation de l’enfant ? « Nous avons cherché à comprendre comment les choix de systèmes de CAA s’opèrent dans la pratique ? Comment s’opère la participation de l’enfant et de sa famille dans ce processus ? »
  • Quelles seraient aussi selon les personnes interrogées les priorités dans les changements à adopter ?

Les chercheuses n’ont voulu négliger aucun des acteurs pertinents dans la démarche, avec leurs missions et leur place respectives, leur rôle particulier. Elles ont récolté l’avis et l’expérience de la CAA de familles (les représentants légaux des enfants), de professionnels relevant du milieu scolaire (enseignants) et d’étudiants en logopédie, du milieu paramédical (logopèdes, ergothérapeutes) et médical (neuropédiatres), de services d’accompagnement et d’aide précoce ainsi que de services de l’AViQ et de PHARE qui proposent entre autres des interventions financières et des subventions. Des entretiens ont également été menés, et des focus groups ont permis aux professionnels et aux parents d’échanger et de croiser leur regard en favorisant l’interdisciplinarité. « À certains moments, les rôles et les missions de chacun par rapport à la CAA ne sont pas évidents, observe Joanne Gosselain. Il n’est pas toujours clair de savoir jusqu’où aller. Il est important par exemple que le parent puisse rester le parent. »

 

Sur base des données récoltées, les chercheuses ont identifié plusieurs leviers d’action concrets.

  • Améliorer le degré et l’accès à l’information. Vers qui me tourner lorsque je souhaite avoir une information ? « L’information existe, mais elle n’est pas toujours diffusée à l’ensemble des personnes concernées, ou alors elle est partielle », constate Joanne Gosselain.
  • Améliorer la visibilité de la CAA dans le grand public. Tout le monde n’a pas croisé quelqu’un qui utilisait un système de CAA, or tout le monde communique tout le temps… « Ces utilisateurs ne sont pas visibles, déplore la chercheuse, or c’est un enjeu de société et d’inclusion important. »
  • Améliorer l’accueil et l’accompagnement des familles. C’est l’un des premiers besoins exprimés par les professionnels. « Il n’existe aucune instance dont la mission est d’accompagner les familles concernant la CAA, poursuit Joanne Gosselain. Ce manque structurel a des conséquences délétères pour l’enfant, pour les familles et pour les professionnels. »
  • Augmenter les ressources humaines, matérielles, logistiques, budgétaires. La question est centrale pour les familles comme pour les professionnels. « Les logopèdes spécialisées sont peu nombreuses à l’heure actuelle, et cela engendre leur surcharge, énumère la chercheuse. Des écoles n’ont pas de wifi et ne peuvent donc pas utiliser de systèmes à haute technologie… » La bonne volonté ne suffit pas et ce décalage important de ressources a des conséquences en chaîne sur l’ensemble des acteurs concernés.

Outre ces principaux axes, l’équipe attire l’attention sur le processus à l’œuvre avec la CAA. Il ne s’agit pas d’actions ponctuelles, mais d’un suivi qui s’orchestre sur des années. Tout comme l’accompagnement des familles.

Pour Nathalie Nader-Grosbois, il faut aussi garder en tête que le parcours de chaque enfant est singulier : « A chaque étape de cette démarche, il y a lieu d’explorer ses besoins et d’évaluer ses potentialités, ainsi que celles de son entourage, partenaire de communication. Il faut pouvoir être proactif et réactif en fonction des stades de l’évolution de l’enfant et des phases d’apprentissage dans lesquelles il s’investit. » La démarche d’appui en CAA n’est en effet pas la même avec un jeune bébé confronté à un soutien précoce que lors de la transition vers l’école maternelle, primaire ou secondaire. Les types de systèmes sont de natures différentes, avec des coûts différents, et des demandes d’investissements très différentes de la part des personnes qui doivent s’approprier ces outils et les contextes d’utilisation. À la maison, à la piscine, à l’école ou dans n’importe quel contexte de vie : il faut que la communication soit possible et l’outil adapté. Elle relève encore un autre point saillant de l’étude : les familles ont besoin d’un référent, d’un point de repère. « Quelqu’un du service d’aide précoce ou un psychologue, explique-t-elle, une personne qui a en main tous les éléments du dossier de l’enfant, qui oriente vers des instances, une personne à qui on s’adresse à différents moments pour ne pas rompre les liens entre familles et professionnels. »

 

1.4 Un manuel et un arbre décisionnel à destination des parents et des professionnels

L’ensemble de ces constats a permis de concevoir un dispositif de sensibilisation et d’information pour guider les parents, les professionnels et les services spécialisés.

Accessible à tous, ce manuel évite le clivage fréquent entre intervenants. Ici, parents et professionnels sont des partenaires. « L’enfant ne va pas apprendre à communiquer tout seul, rappelle Anne Bragard. On ne communique pas sans interaction. » Elle partage cette métaphore recueillie dans l’étude : « C’est comme la langue, on ne va pas changer de langue à chaque fois qu’on change de personnes. » Ce sont les personnes autour de l’enfant qui vont apprendre à se former et non l’inverse, ce n’est pas à l’enfant seul de s’adapter à chaque contexte.

« C’est ce que l’on appelle le partenariat symbiosynergique, ajoute Nathalie Nader-Grosbois. “Symbio” parce qu’on est immergé dans une situation, un problème commun, et dans laquelle chacun doit partager ce qu’il connaît ; “synergique” parce que l’énergie de chacun doit pouvoir générer la moins mauvaise solution et une solution portée par chacun. » Il n’y a pas d’asymétrie de rôles, pas de professionnel expert face à un parent qui doit apprendre une méthode. Le professionnel a autant à apprendre du parent. « L’enfant a aussi son “mot” à dire, même s’il ne sait pas l’exprimer (oralement). On va voir ce qui lui convient le mieux et si ça lui convient vraiment, voir comment il réagit et quel moyen de communication il va utiliser spontanément », complète Anne Bragard. C’est le premier concerné.

Le manuel se clôture sur un arbre décisionnel pensé pour se poser les bonnes questions… aux bons moments. « On peut reprendre cet arbre à intervalle régulier : on aura une réponse actualisée, prévient Joanne Gosselain. Il est aussi pensé pour contrer le mythe que pour telle difficulté ou telle situation de handicap il existe tel ou tel système ou traitement ou cheminement à suivre. »

Ici, de multiples facteurs interviennent. La diversité des situations est envisagée de façon souple, et la diversité des ressources avec les atouts qu’elles comportent. L’arbre décisionnel présente plusieurs possibilités et les portes les plus propices à ouvrir à un moment donné en fonction de l’enfant, de ce qu’il souhaite partager avec les autres enfants ou les membres de sa famille. « Il ne s’agit pas seulement de reconnaître des trajectoires individuelles, mais de les respecter », dit Joanne Gosselain. Pas de solution standard donc, mais place à la créativité de chacun. « Notre volonté est également de ne pas proposer un dispositif qui serait obsolète en quelques mois. La technologie avance à grande vitesse et il n’est pas possible d’inventorier tous les systèmes, cela n’aurait d’ailleurs aucun sens. Nous donnons plutôt des exemples, un support à la réflexion. » Une réflexion qui évolue avec le temps, en fonction de l’enfant qui grandit, et du cheminement de ses parents et des professionnels qui l’entourent.

 

« Ce projet est centré sur la personne dans sa globalité, résume Nathalie Nader-Grosbois. Cet enfant, cet être humain, comment se développe-t-il par le biais de l’optimisation de ces modes de communication dans ses différents contextes de vie ? Comment se connaît-il lui-même ? Comment construit-il ce concept et sa perception de lui-même, son estime de soi ? Comment vit-il un bien-être affectif ? Comment communique-t-il sur ses émotions, sur sa demande de réconfort, sur les situations qu’il vit difficilement et qu’il ne comprend pas ? Comment peut-il intégrer les règles de l’école et qui peuvent être différentes de celles de la famille ? Comment aussi avoir des compétences émotionnelles, sociales, pour s’adapter et s’insérer le plus largement possible à différents milieux ? »

Les chercheuses comptent sur un accroissement de la visibilité et sur une meilleure connaissance des moyens de CAA dans un public plus large que celui des spécialistes et des personnes directement concernées par le handicap d’un enfant. Peu de gens se voient comme des partenaires potentiels de sa communication, or c’est l’affaire tous et il est de notre responsabilité de citoyens d’y contribuer.

Contact :

UCLouvain/IPSY –
Institut de Recherches en Sciences Psychologiques Place du Cardinal Mercier, 10 bte L3.05.01
1348 Louvain-La-Neuve.

010 47 44 64 ; nathalie.nader@uclouvain.be 010 47 43 93 ; anne.bragard@uclouvain.be 010 47 87 68 ; joanne.gosselain@uclouvain.be

II. Élaboration d’un programme de lecture interactive enrichie, soutenu par la CAA, en vue d’améliorer l’apprentissage et l’utilisation du vocabulaire de base et l’éveil à l’écrit - ASBL Alternative 21

Il s’agit d’un programme de lecture interactive soutenue par la communication alternative et améliorée (CAA) en télépratique et de l’évaluation de ses effets auprès d’enfants à besoins complexes de communication. Il devrait permettre à des enfants porteurs d’un syndrome génétique avec déficience mentale et/ou d’un trouble du spectre de l’autisme d’acquérir des compétences en éveil à l’écrit (l’accès à la lecture et aux compétences qui préparent à la lecture), du vocabulaire de base et du vocabulaire spécifique. Concrètement, l’intervention consiste à lire trois albums de littérature jeunesse de manière répétée à un enfant accompagné d’un ou de ses deux parents en utilisant une communication multimodale.

Ce projet est né d’une rencontre entre les parents de Luther, un petit garçon de dix ans porteur de trisomie 21 et de trouble du spectre de l’autisme, et de deux logopèdes, Pascale Grevesse et Nathalie Thomas, partageant le goût de la littérature jeunesse et l’expérience de la prise en charge d’enfants en situation de handicap.

2.1      Luther et les CAA

Carmela Morici a fondé l’asbl Alternative 21, dont elle est la présidente. Elle témoigne de l’intérêt de la communication alternative augmentée dans le quotidien de son fils Luther, et de ce que la lecture peut lui apporter.

Carmela Morici avait accumulé une vaste bibliothèque de livres pour enfants… dont elle était prête à se défaire lorsqu’elle a appris le handicap de son bébé. « Je me disais que mon fils n’arriverait jamais à lire et que je ne pourrais pas partager cette passion avec lui », raconte-t-elle, ne dissimulant pas sa déception. Une amie a sagement retenu son geste. « On verra, m’a-t-elle dit. On ne sait pas s’il lira et si ce n’est pas le cas, tu les lui liras… » Elle a bien fait.

« Après le choc de l’annonce, très vite on a décidé de mettre en place des revalidations, dont la logopédie, poursuit-elle. J’ai eu la chance que l’on me conseille Pascale Grevesse, qui est parvenue à me convaincre – ça n’a pas été facile et je crois que c’est le cas de beaucoup de parents – que le plus important n’était pas que Luther parle, mais que Luther communique. » Ses déficiences sont assez importantes, surtout au niveau de la communication. Aujourd’hui, le petit garçon est encore considéré comme non verbal ou peu verbal.

« Des non-professionnels comme les parents ne se rendent pas compte qu’au travers du langage c’est la fonction de communication qui est la principale. Très vite donc, on a mis en route plusieurs systèmes de communication alternative et augmentée. » Les parents de Luther ont beaucoup investi le système de pictogrammes, on en trouve partout dans la maison : celui avec ses dessins animés préférés en dessous de la télé. Sur le frigo : le lait, l’eau, la tartine. Sur la porte du jardin : la balançoire… « Il a fallu passer par cette étape avant de tout rassembler dans un carnet de communication avec des fiches qui symbolisaient les différents espaces, qu’il fixe les choses en fonction des lieux avant de les extraire de leur contexte et de leur donner du sens sans être liées », explique sa mère. Le petit garçon a eu aussi besoin de passer par des photos des objets avant d’utiliser des pictos. « Il n’y a pas une recette magique, les enfants sont tous différents. Forcément on avance par essai-erreur. »

Cette farde de communication, Luther l’a trimballée partout avec lui. « À l’école ou dans des stages, elle a facilité son inclusion parmi les enfants ordinaires qui n’avaient pas à devoir déchiffrer son comportement. » À mesure que l’enfant grandit et élargit son champ sémantique, cette farde s’épaissit. Aujourd’hui elle est remplacée par une tablette équipée de l’application Tiwouh. Luther utilise aussi Sésame, un mode de communication gestuel entre la langue des signes et le mime. Depuis peu, le langage oral est en train d’émerger. « Je pense que c’est grâce à tout ce que nous avons mis en place, à cette stimulation très précoce et surtout au fait que la logopède remet chaque fois au centre l’importance de la communication, qu’elle soit verbalisée ou non, assure sa mère. Chaque fois que l’on signait, on lui montrait le picto et on verbalisait également. » Aujourd’hui Luther est multimodal, il passe d’un système à l’autre et les cumule pour bien comprendre et s’assurer d’être bien compris. Comme lorsqu’il réclame une tartine de plus : il signe, prononce des mots clés et présente aussi le picto ! « C’est crucial dans la vie de tous les jours, reprend sa mère. C’est un petit garçon qui n’a aucune forme d’agressivité envers lui-même ni envers les autres et je suis persuadée que c’est parce qu’il arrive à exprimer des choses. Ça lui permet aussi de poser des choix. C’est tout bête, mais je lui demandais souvent s’il préférait une tartine de beurre ou une tartine de confiture… Il m’a fait comprendre qu’il voulait une tartine de beurre et de confiture ! »

2.1.1    Un entourage partenaire

La CAA demande une pratique soutenue et un investissement de l’entourage. « Cet investissement doit être partagé, ajoute Carmela Morici. Imaginez si l’école n’utilisait pas la CAA, ce serait comme si on coupait la langue de Luther quand il arrive en classe. »

Ce n’est en effet pas la logopède seule qui doit mettre en place des CAA dans son cabinet. Il faut que les principales personnes qui gravitent autour de l’enfant participent un minimum ; et cela nécessite un apprentissage. « Le Sésame est relativement simple, mais les enfants n’apprennent pas quinze nouveaux signes par jour. Plastifier et scratcher les pictos, c’est du travail », explique Carmela. Mais une fois que l’enfant à sa farde, il s’en sert partout : il montre le gobelet d’eau et tout le monde comprend qu’il a soif.

Cependant, un enfant n’est pas l’autre et c’est un peu à chacun de composer son cocktail d’outils de CAA. « Et de ne pas désespérer, car ce sont des maturations lentes, insiste Carmela Morici. Mon père me disait que Luther ne parlerait jamais, qu’il n’en aurait jamais besoin si on signait ou si on utilisait tout le temps des pictos… C’est très fréquent de croire que les communications alternatives améliorées excluent la parole. Ce serait le cas si on ne verbalisait pas à chaque fois, or s’il y a bien une consigne c’est celle-ci : verbaliser en même temps que l’on signe et que l’on montre un picto. Avec le système PECS, le mot est même écrit au-dessus du dessin. Au départ je me disais que c’était stupide puisque l’enfant ne sait pas lire, mais c’est indispensable. Nous ne nommons pas tous les choses de la même façon, devant le picto de la tartine, vous allez peut-être dire pain… »

2.1.2    L’asbl Alternative 21

Carmela Morici a toujours souhaité que son fils soit intégré dans la société ordinaire. Le plus possible. « Je crois à la richesse de la diversité, à l’altérité, dit-elle. Comme je n’aurais pas souhaité que mon fils soit uniquement avec des garçons ou avec des personnes issues des mêmes origines ou des mêmes niveaux socioéconomiques, je ne voyais pas l’intérêt qu’il soit uniquement en contact avec des personnes en situation de handicap. Sa première année en maternelle s’est vraiment bien passée, la puéricultrice l’a mis au cœur du projet de la classe et Luther était très épanoui. L’année suivante a été catastrophique, l’institutrice ne souhaitait pas que Luther soit dans sa classe et le faisait comprendre. Je ne pouvais pas accepter de soumettre le parcours scolaire de mon fils à la bonne volonté des enseignants. »

Par ailleurs, les déficiences de Luther étaient assez importantes, l’inclure à tout prix dans une classe allait rapidement perdre tout sens pédagogique pour lui. « J’ai voulu en quelque sorte créer le meilleur des deux mondes  : un enseignement et des équipes adaptés aux besoins spécifiques des enfants, mais dans le cadre d’une école ordinaire. » En septembre 2016 s’ouvrait la « classe des p’tits potes », la toute première classe intégrée à visée inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans une convention de collaboration, l’école spécialisée Mont-Chevreuil à Roselies a ouvert une implantation au cœur de l’école ordinaire Saint-Paul de Mont-sur-Marchienne. Une sorte d’ambassade. L’initiative a essaimé. On en compte aujourd’hui une quinzaine en Fédération Wallonie-Bruxelles. « Nous avons a monté l’asbl Alternative 21 pour défendre ce projet au niveau politique, administratif et financer. C’était aussi très important pour moi de défendre une vision positive des personnes en situation de handicap. C’est bien de répéter que derrière un handicap il y a des déficiences, mais il y a aussi du potentiel. » La devise d’Alternative 21 résume bien cette intention : « Essayer c’est déjà réussir ». C’est ce qui s’est passé pour Luther. Il a sa petite bibliothèque à lui. « Il ne sait pas encore lire, mais il sait déchiffrer les titres. Il reconnait les couvertures et il choisit celui qu’il veut que nous lisions ensemble », dit sa mère, émue et réjouie.

2.2 Le projet « Alors, on lit ? »

À l’occasion de l’opération La Fureur de lire, Pascale Grevesse et Nathalie Thomas ont proposé à la classe créée par Carmela Morici un atelier de lecture interactive enrichie soutenu par des communications alternatives pour des enfants à besoins complexes de communication. « Nous avons passé un très chouette après-midi avec les enfants et les parents et nous avons voulu pousser le projet plus loin, voir si par le biais de la lecture on pouvait apprendre du vocabulaire aux enfants, si on pouvait augmenter leur éveil à l’écrit, et si ces compétences se maintenaient à long terme », développe Pascale Grevesse.

L’appel à projets du Fonds Houtman tombait à pic, ce serait l’occasion de valider ces hypothèses et d’élargir l’expérience à d’autres groupes d’enfants avec des pathologies différentes, de proposer plusieurs livres, des livres de difficulté croissante.

 

2.2.1 Développer le recours à la CAA

Une des originalités de ce projet, c’est de contribuer à donner à la CAA une place de premier choix en Belgique francophone. Peu de logopèdes en effet et peu d’écoles les utilisent. « Les recherches montrent pourtant qu’en donnant à l’enfant un accès à la communication, on va éviter notamment des troubles du comportement. Si on ne peut pas communiquer, forcément on a davantage tendance à se faire comprendre en criant, en se jetant par terre, en étant violent… », note Pascale Grevesse.

L’éveil à l’écrit semble aussi un peu laissé de côté dans l’enseignement spécial, avec les enfants présentant une déficience intellectuelle. « Nous essayons de montrer qu’on peut apprendre quelque chose à ces enfants, même s’ils ont une déficience mentale sévère, même s’ils ont de l’autisme, même s’ils n’ont pas ou très peu de langage. » Partir perdante n’est pas son style. « L’autonomie est l’un des objectifs de l’enseignement spécial et l’autonomie, ça passe aussi par un minimum de compétences d’éveil à l’écrit. Prendre les transports en commun, c’est plus facile si vous savez lire le nom de l’arrêt où vous devez descendre… Je pense que notre rôle de professionnel, c’est de voir sur quelles ressources on peut s’appuyer pour avancer, pour leur apprendre de nouvelles choses. C’est aussi ce que les parents attendent de nous. » Elle évite cependant de tout raccourci : « Je ne dis pas que des séances de lecture interactive soutenues par la CAA vont permettre l’intégration et l’autonomie, mais cela fait partie des différentes choses qui peuvent en permettre l’accès. »

2.2.2 Dans les coulisses d’une séance

Pascale Grevesse raconte un moment de lecture interactive.

« Un de mes petits patients entre tout doucement dans les CAA. Il a un peu plus de trois ans et un syndrome génétique altère gravement sa communication. Il adore les livres, mais il a beaucoup de mal à interagir. Aujourd’hui j’ai choisi pour lui “Ours brun, dis-moi ce que tu vois”. En parallèle je lui propose des petits animaux, les mêmes que ceux de l’histoire. J’ai mis une tablette à sa disposition et je commence à lire… Chaque fois que je pose une question, je modélise en utilisant moi-même soit un pictogramme soit un geste soit la tablette. Après quelques minutes seulement, ce petit bonhomme a commencé à utiliser la tablette pour interagir avec moi, pour faire des commentaires en se tournant vers son papa qui n’en revenait pas : son fils racontait l’histoire et répondait aux questions !

L’enfant en situation de handicap qui n’a pas de langage est tout le temps en train d’essayer de s’adapter à nous ; c’est aussi à nous, adultes qui avons les capacités de nous adapter, d’adapter les supports. Je lui montrais les pictos, il avait les mêmes sur sa tablette donc il pouvait transférer. Il entendait la tablette qui vocalisait et il essayait de reproduire les sons même si ce n’était pas encore intelligible : il était là, il participait, il avait beaucoup de plaisir. Et s’il y a du plaisir, il en redemandera. On relira l’histoire, peut-être apprendra-t-il un nouveau mot, une nouvelle compétence, peut-être ce qu’est qu’une lettre et à la reconnaître. L’idée, c’est d’être le plus naturel possible et le plus proche de ce que l’on ferait avec un enfant qui parle. » 

Lors de ces séances, chaque enfant a sa tablette (lors des séances collectives initiales également). Chacun peut communiquer et utiliser ce qui est le mieux pour lui : dire le mot, faire un geste, pointer le pictogramme ou le prendre en main. C’est ce qu’on appelle la multimodalité de la communication. « Il y a des choses simples à exprimer par gestes : “encore”, “pipi”…). Ses mains, on les a toujours avec soi… mais quand on veut expliquer des idées plus complexes et que l’on veut construire des phrases – “je veux le cube rouge” ou “je vois le lapin qui mange des carottes”, c’est beaucoup plus pratique avec une tablette. »  Le support par pictogrammes permet souvent de mettre en place une CAA, mais quand l’enfant a beaucoup de pictos survient le problème de leur rangement, de leur perte ou de leur détérioration. La tablette a l’avantage de contenir un maximum d’éléments sur un seul support. Elle oralise la phrase et donne à l’enfant un modèle, qu’il peut répéter, s’il en est capable. Il a en même temps le son, l’image et l’écrit. « La tablette va lui permettre d’aller plus loin dans la structuration des phrases. »

L’utiliser nécessite cependant des compétences opérationnelles : comprendre qu’une petite flèche en haut à gauche signifier retour à la page précédente, que la petite maison est la page d’accueil. C’est un apprentissage, tout comme pour les pictogrammes dont il faut comprendre la signification (ce que l’on appelle l’iconicité) : une pomme est une pomme, mais des yeux et une flèche signifient « voir ». Certaines choses sont dessinées et proviennent préférentiellement d’une même banque de données, pour respecter une unité de présentation ; d’autres sont photographiées lorsqu’elles sont spécifiques aux enfants : ses fromages préférés, les membres de sa famille… « L’important, c’est que ce soit fonctionnel pour l’enfant afin que son interlocuteur puisse le comprendre, mais aussi utiliser l’outil pour la modélisation, dit la logopède. Ciblant dans un premier temps les demandes de base avec un interlocuteur privilégié, sa communication va progressivement s’étendre au cercle familial élargi, aux voisins, à l’entourage, à l’école, à la société. » Un enfant qui a des troubles développementaux passera par les mêmes étapes que l’enfant tout venant. « Les étapes arriveront probablement plus tard et dureront plus longtemps, nuance-t-elle, mais dans nos démarches de rééducation ou d’accompagnement des familles nous préconisons un apprentissage logique et fonctionnel. Le maître mot étant la fonctionnalité : cela doit servir à quelque chose. »

2.2.3 Rendre une place au livre

La lecture interactive enrichie avait déjà fait ses preuves auprès d’enfants tout venant de troisième maternelle, auprès de familles socioculturellement défavorisées. Elle fonctionne aussi avec des enfants en situation de handicap, avec des enfants qui ne parlent pas. Ce projet fournit également des stratégies aux enseignants pour leur permettre de mieux raconter, de mieux lire des livres aux enfants, et pour que le livre devienne un réel outil d’apprentissage.

Le projet soutenu par le Fonds Houtman comporte deux parties. La première a démarré en classe avec des petits groupes d’enfants et leurs enseignants, mais, avec le Covid et le premier confinement, il a fallu s’ajuster. « Nous avons décidé de poursuivre à distance et de manière plus individuelle avec les parents qui le souhaitaient, en leur apprenant des stratégies leur permettant de lire des livres à leurs enfants de manière plus efficace pour leur apprendre du vocabulaire et de les éveiller à l’écrit », explique Pascale Grevesse. Impliquer les parents dans ce processus d’apprentissage contribue également à la revalorisation de la lecture de livres à la maison. « Beaucoup d’enfants ont des difficultés en lecture parce qu’on ne lit pas autour d’eux, constate-t-elle. C’est important de redonner une place de choix aux livres, y compris avec l’enfant qui ne parle pas, avec l’enfant qui est en situation de handicap. » Pour ce faire, les deux logopèdes ont eu recours à la téléthérapie ou télélogopédie, en proposant des séances pour un parent et son enfant par l’intermédiaire du web.

Dans la deuxième partie, elles ont étudié la modification des pratiques parentales. « En enseignant aux parents des stratégies efficaces, nous jouons un rôle de modélisation. Nous voyons d’ailleurs des parents faire la même chose que nous et aller davantage chercher des compétences chez leur enfant. » Ce processus s’inscrit dans ce que l’on appelle la guidance parentale logopédique. « Si l’enfant ne communique qu’avec son logopède dans le cadre d’une rééducation logopédique, cela n’a aucun intérêt. L’intérêt, c’est qu’il communique en tout lieu et en tout temps. Le parent est vraiment l’acteur principal parce que c’est lui qui va organiser ce transfert et qui va veiller à ce que l’enfant communique aussi à la maison, chez ses grands-parents, dans toute la structure sociale élargie », explique Pascale Grevesse.

2.2.4 Une méthode prometteuse et des résultats encourageants

Les premiers résultats de la recherche-action montrent de belles améliorations au niveau de l’acquisition de vocabulaire chez les enfants, mais aussi un changement des pratiques parentales sur la manière de raconter des histoires. « Et ça, c’est ce qu’on recherchait », se félicite Pascale Grevesse. Parmi les réserves, on notera toutefois la nécessité de disposer d’outils informatiques performants, d’un accès internet de bonne qualité dans chaque foyer, d’un environnement calme. « Nous allons identifier ces limites afin de trouver des solutions pour que le projet puisse être proposé à davantage d’enfants. » Les logopèdes ont opté pour une intervention multimodale en proposant, outre les mots dits et écrits, des gestes, des pictogrammes et une application avec synthèse vocale sur tablette. Disposer de tablettes n’était pas un problème, car elles les ont fournies aux familles ; la difficulté résidait plutôt dans l’ampleur de cette intervention à distance. « Nous l’avons allégée au maximum, mais le programme s’étalait tout de même sur quatre semaines à raison de trois fois par semaine. » Des parents qui avaient marqué leur accord ne se sont finalement pas engagés, faute de disponibilité. « Outre les séances en direct avec nous, ils devaient aussi visionner une vidéo asynchrone, préenregistrée. C’était compliqué pour certains parents de mettre cela en place dans leur organisation en plus du télétravail de certains. » C’est une attention pour la suite de ce projet : veiller dans la mesure du possible à s’adresser à toutes les familles.

2.2.5 Transmettre

Les logopèdes ont rédigé un manuel de formation à cette méthode de lecture. Elles y présentent cinq albums jeunesse sélectionnés pour leur qualité rédactionnelle et celle de leurs illustrations. Autour d’eux sont travaillés à chaque fois des mots de vocabulaire de base, des mots de vocabulaire spécifique, l’apprentissage d’un concept de littératie émergente et la conscience phonologique.

Elles espèrent que cet outil circulera dans la profession, parmi les enseignants et les associations, que cela contribuera à les lancer sur cette voie d’apprentissage et que les écoles accueilleront favorablement ces ateliers. Elles travaillent déjà à l’adaptation d’autres récits.

Contact :

ASBL Alternative 21

0497 68 58 10 ; alternative21@outlook.be

Logopèdes en charge de la recherche : Pascale Grevesse : pgrevesse@hotmail.com Nathalie Thomas : nathalie.thomas@ulb.be

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