En novembre 2018, le Fonds Houtman lançait l’appel à projets « Vivre enfant dans la migration » pour un budget global de 100.000 € pour ce thème. Le souhait était d’aboutir à des outils concrets, réutilisables et/ou transférables vers un maximum d’acteurs de terrain et d’enfants concernés. L’appel se concentrait sur deux axes :

  • Axe « sensibilisation/formation des acteurs de terrain ». Un axe dédié aux intervenants de terrain et centré sur la santé des enfants migrants, au sens global mais en particulier leur santé mentale
  • Axe « retour au jeu ». Un axe orienté directement vers les enfants et centré sur leur droit aux loisirs et au jeu.

Parmi les 40 candidatures parvenues au Fonds Houtman, 7 ont été retenues. Nous vous les présentons ci-dessous. Ces projets sont aujourd’hui clôturés et feront l’objet d’une diffusion large à l’automne 2022.

Le Fonds Houtman a organisé le vendredi 21 octobre 2022 au W :Halll, le centre culturel de Woluwe-Saint-Pierre un colloque intitulé « Vivre enfant dans la migration », en collaboration avec les 7 équipes soutenues.

Retrouvez certaines présentations issues du colloque sur la page ressources de la thématique, ainsi que les outils des projets.

Un livre collectif « Vivre enfant dans la migration » (Editions L’Harmattan), issu des travaux soutenus, est également disponible.

Projet 1 : « Les Hirondelles font le printemps… Promouvoir une résilience psycho-sociale et accompagner les deuils de l’exil par les liens créés autour de pratiques sportives et ludiques. » - Centre MENA Les Hirondelles du CPAS d’Assesse & IRFAM

Par ce projet, l’équipe souhaite renforcer l’axe de prévention de son projet pédagogique et en étayer la pertinence par une observation des bénéfices de l’activité sportive et ludique sur le développement psycho-social des jeunes MENA résidant au centre. Trois objectifs sont poursuivis : créer un protocole d’observation des bénéfices engendrés par la pratique régulière d’un sport ; augmenter la capacité des intervenants à proposer une activité sportive (affiliations, assurances et équipements) ; renforcer la dimension ludique dans la vie quotidienne. Le résultat final consistera idéalement en un argumentaire étayé par l’observation des effets attendus sur la résilience psycho-sociale des jeunes.

Le projet s’est clôturé en juin 2021 :

  • 48 jeunes (tous des garçons) ont été observés par les acteurs du centre (25) entre juillet 2019 et avril 2021 ;
  • Des interviews ont été réalisées avec 25 acteurs externes au centre, dont des jeunes l’ayant quitté ;
  • Il y a eu 4 synthèses des observations (août 2019, décembre 2019, septembre 2020, mars 2021) selon des grilles coconstruites ;
  • Une analyse cumulative par le chercheur (A. Manço) et une validation par le personnel du centre (octobre 2019, février 2020, octobre 2020, avril 2021, septembre 2021) ;
  • Âge moyen des jeunes : 17 ans ;
  • Durée moyenne de résidence au centre : 14 mois ;
  • Turn-over important dans l’établissement, qui comporte 29 lits ;
  • Durant la recherche, 23 jeunes (48 %) ont été remplacés ;
  • Temps moyen d’observation par jeune : 4 trimestres ;
  • Pour 30 jeunes : 3 trimestres d’observation ou + ;
  • 27 de nationalité afghane (56 %) : faiblesse en français ; 19 originaires du continent africain : assez bonne maîtrise orale du français ;
  • Scolarité : 34 (71 %) jeunes sont dans un DASPA, dont 20 en alpha ;
  • Profil des pères restés au pays : 28 (58 %) personnes sans emploi stable ;
  • 16 jeunes (33 %) pratiquent le football au sein d’un club local, majoritairement des jeunes issus de l’Afrique ;
  • Cricket auto-organisé : 11 jeunes (23 %) d’origine afghane ;
  • 10 fréquentent un cours de natation et autant un club de boxe ;
  • 8 pratiquent les arts martiaux au sein d’unions sportives ;
  • Les jeunes pratiquent régulièrement entre 0 (9 personnes) et 4 (3 personnes) activités, moyenne = 1 activité régulière par jeune ;
  • Durant la recherche, 12 (25 %) jeunes ont quitté le centre sans solution – ce qui signifie qu’ils ont disparu des radars ;
  • 18 ont obtenu une réponse favorable à leur demande d’asile ou peuvent espérer une réponse favorable ;
  • Les autres poursuivent la procédure administrative ;
  • 17 (35 %) ont séjourné dans l’annexe en semi-autonomie.

Les variables considérées pour l’étude : 90 informations collectées mensuellement durant 7 trimestres :

  • Le score d’activité dite « administrative » ;
  • Le score « décisions reçues de l’administration » ;
  • Le score « implication scolaire » ;
  • Le nombre de jours d’absence non-justifiée à l’école ;
  • Le nombre d’informations en provenance de l’école sur les incidents ;
  • Le score « prestations médicales » ;
  • Le score « psychothérapie » ;
  • Le score « bien-être psychosocial » ;
  • Le score « activité sportive, culturelle et ludique ».

Le degré de cohérence des observations :

  • Concordance de trimestre en trimestre (indice alpha > .70) ;
  • Concordance moyenne entre éducateurs (indice alpha = .66) ;
  • Corrélation entre la variable « dépression perçue par les éducateurs » et « dépression exprimée par les jeunes » (= .37, p < 0,05).

Sur les activités ludiques et sportives des résidents, que retenir ?

  • Le défi de la pandémie : réorganisation complète du centre : opportunités mais aussi désavantages car l’équipe n’a pas pu observer comme elle l’aurait souhaité et ce qu’elle aurait souhaité observer ;
  • Faiblesse des résultats statistiques quant à un impact direct et massif des activités sportives (activités extérieures réduites, voire supprimées) sur la capacité de résilience des jeunes ; mais constat que le sport entre-soi peut être bénéfique (exemple afghan) ;
  • Effets indirects transitant par la médiation : des compétences en français ou des ressources développées au sein de groupes de la même culture ;
  • La pratique sportive en concomitance avec les difficultés psychologiques : réponses résilientes face à l’adversité ; pas le dépassement, mais la prise en charge.

 

Sur les activités scolaires :

  • Maîtrise en français oral//niveau de scolarisation (r = .77, p < 0,0001) ;
  • Africains => classes professionnelles ou en alternance ;
  • Afghans => classes DASPA avec d’autres primo-arrivants ;
  • Contradiction qui freine le développement du français ;
  • Les jeunes sans passé scolaire : difficultés à comprendre les consignes et le sens des activités scolaires ;
  • Le feedback scolaire : rendu longtemps après, écrit et impersonnel, le contraire de ce qui se passe sur un terrain de sport ;
  • D’où, conflits et stress, faiblesse de l’implication à l’école.

 

Sur l’activité administrative :

  • L’intensité de cette activité dont dépend l’avenir du jeune en Belgique est en forte corrélation avec son absence à l’école ;
  • Un fort lien également avec l’intensité des soins psycho-médicaux sollicités.

 

En fonction de tout cela, une typologie de la résilience peut être esquissée :

  • Objectiver les capacités de résilience des jeunes = estimer l’apport de l’encadrement ;
  • La résilience est considérée comme la capacité à maintenir une adaptation optimale, malgré l’expérience d’évènements déstabilisants ;
  • L’évolution du bien-être psychosocial des jeunes, indépendamment de la scolarité ou du processus d’asile ;
  • L’évolution de leur score de « bien-être perçu » en regard d’autres : conflits à l’école, activité administrative, prestations psychosociales, activités sportives et culturelles.

 

Il est possible d’effectuer ces comparaisons pour 30 jeunes pour lesquels au moins 3 trimestres d’observations sont disponibles :

  • 11 résidents (37 %) présentent une forte corrélation positive (r > .41) entre leur score « bien-être psychosocial perçu » et le nombre de trimestres d’observation. Ils sont désignés comme « résilients ».
  • A l’inverse, 6 jeunes (20 %) présentent une corrélation (fortement) négative entre ces deux variables. Ils sont identifiés comme « vulnérables ».
  • Enfin, un groupe de 13 jeunes se situe entre ces deux polarités : profil « intermédiaire » (corrélation entre les deux variables proches de 0).

Par ailleurs :

  • 8 sur 11 des jeunes résilients sont d’origine afghane (73 %), alors que ce groupe représente 56 % des résidents. Surreprésentation significative.
  • Cohésion du groupe et activités communes = un facteur de protection. Il y a là un transfert de confiance : le rôle de coach est pris par les autres jeunes.
  • Pas d’autres croisements significatifs = les jeunes développent des rapports similaires par ex. à l’école (intérêt, absentéisme, conflits…), quels que soient les groupes auxquels ils sont attachés.
  • L’examen des vignettes individuelles des jeunes « résilients » en regard des « vulnérables » a permis d’approfondir et de valider ces divers constats quantitatifs.

 

Mais il est clair que les activités ont un rôle médiateur.

  • Les activités sportives, créatives et thérapeutiques, voire scolaires, dans la mesure où elles mettent en relation utile certains jeunes et divers intervenants.
  • Les jeunes recourent intensément aux activités physiques ou aux jeux vidéo afin de gérer leurs angoisses (rôle médiateur aussi !).
  • Difficultés : les arrêts des activités (comme pendant le confinement) et les changements de statut ou les transferts : un défi pour les jeunes devant canaliser leur énergie.

 

A prendre en compte aussi : la balance groupe-individu et l’effet libérateur des décisions d’autorité :

  • L’obtention d’un statut de protection = empowerment ;
  • L’absence de réponse/de nouvelles ou les refus engendrent frustration et violence (envers le centre) ;
  • Contamination par les décisions des amis aussi ;
  • Hauts et bas = difficultés à comprendre les incohérences et les limites des systèmes comme l’enseignement ou l’asile ;

 

En conclusion :

  • L’apprentissage du français est une clé car il augmente la capacité de compréhension et d’action, facilite le contact ;
  • Le projet développé au centre depuis plus de 20 ans confirme globalement sa pertinence (longueur de séjour…) ;
  • L’investigation a permis d’isoler des sous-groupes en termes de résilience psychosociale, d’ethnicité, la comparaison = enseignements sur l’efficacité des activités, sur les régulations internes (cricket) et externes (football), solo et groupe, formel (école) et informel (école de devoirs) ; cela génère un équilibre ;
  • La pandémie = disparition des conflits occasionnés par le système d’enseignement ; nous enseigne quelque chose…

 

Questions en suspens/à venir :

  • Investiguer encore davantage auprès des jeunes concernés : en quoi la prise en charge a pu les aider ?
  • La question de la scolarisation des MENA non-francophones et analphabètes.
  • Le devenir incertain des jeunes sans solution digne, quel plan B (liens avec les associations défendant les sans-papiers, solidarité populaire…) ?
  • Traduire les résultats de la recherche en outils (publications, séminaires, formations…) au bénéfice d’autres centres.

On note aussi que les jeunes présents plus longtemps dans le centre sont plus résilients. La présence dans le centre aide, donc. Une piste significative concerne la difficulté d’être seul, et l’importance d’être encadré pendant les activités, au centre ou par un coach sportif extérieur…

Un livre collectif « Vivre enfant dans la migration » est publié aux Editions L’Harmattan.

Projet 2 : « Welcome chez vous » - ASBL ABC Cinéma

Dans le cadre de ce travail, et en collaboration avec des acteurs socioculturels implantés sur la commune de Herstal (mais aussi avec les écoles), l’ASBL ABC Cinéma a proposé de réaliser un film avec des jeunes issus de la vague de migration récente sur les thématiques de l’espoir et du bonheur.

Le making-of du film « Welcome chez vous » a été présenté au Fonds en octobre 2021. De petits films s’ajouteront encore mais ce making-of est le produit principal du projet.

Pour rappel, le projet avait les objectifs suivants :

  • Offrir à un groupe de jeunes migrants, primo-arrivants, l’opportunité de s’inscrire dans un projet porteur et exceptionnel lié au cinéma.
  • Grâce au concours de l’AIGS (Association interrégionale de guidance et de santé) et du plan de cohésion sociale implantés sur les quartiers dits « sensibles » de Herstal, permettre de communiquer idéalement vers ce public et de les informer de façon singulière sur le projet.
  • Donner le goût du jeu d’acteur tout en étant encadré par une équipe de coaches professionnels.
  • Donner le goût de l’art.
  • Proposer un accompagnement lors d’ateliers d’écriture grâce notamment au concours de l’ASBL Lire et Ecrire et des scénaristes d’ABC Cinéma.
  • Offrir des espaces de création, un lieu rassembleur agréable et approprié (le Pôle Marexhe).
  • En regard des notions de créativité, offrir la possibilité aux enfants de faire fonctionner leur imaginaire. Rendre le rêve possible.
  • Travailler sur la création de décors, de costumes.
  • Permettre d’apprendre et de s’impliquer tout en s’amusant et de s’inscrire dans une dynamique de groupe.
  • Permettre d’accéder à un média exceptionnel tel que le cinéma, le plateau de tournage. Comprendre les rouages organisationnels et techniques qu’implique ce type de projet.
  • Permettre aux participants de s’investir dans un projet qui se déroulera sur leur commune. Un projet non stigmatisant et positif.
  • Susciter les rencontres et la socialisation.
  • Jouer en langue française.
  • Travailler sur les notions de bonheur, de bien-être, d’espoir (notion peut-être perdue ou jamais acquise).
  • Apporter au projet une mixité culturelle non négligeable.
  • Permettre au public extérieur d’avoir à terme un autre regard (plus positif) sur les migrants.
  • Obtenir une véritable valorisation personnelle.
  • Travailler sur les notions de confiance (en soi, en l’autre, en l’adulte).
  • Travailler sur des valeurs (respect des choses, des autres, patience, investissement personnel, sérieux).
  • Permettre de sortir d’une forme de solitude et d’un sentiment de perdition.
  • Proposer à l’ensemble des participants de s’inscrire dans un projet culturel (culture pour tous et par tous).
  • Offrir une visibilité large.
  • A terme, susciter chez d’autres jeunes, d’autres enfants, l’espoir et/ou la possibilité de s’inscrire dans d’autres projets similaires initiés sur la commune.
  • Aiguiser le sens critique des jeunes face aux grands enjeux de notre société.

 

L’ASBL ABC Cinéma a donc proposé de non seulement réaliser des films, mais également d’offrir un atelier « jeu d’acteur » hebdomadaire étalé sur une période de 2 ans. L’équipe et les jeunes (majoritairement irakiens, syriens, kurdes et marocains – aussi kosovars et libanais) se sont retrouvés tous les mercredis durant 3 heures, ainsi que de façon plus intensive durant les congés scolaires, dates plus propices à la réalisation et la production de tournages plus importants. Les périodes de confinement ont bien entendu aussi impacté le projet.

Les jeunes participants ont été rassemblés grâce à la collaboration avec le plan de cohésion sociale de la Ville, mais aussi via l’école de devoirs et l’AIGS. Le travail avec l’ASBL Lire et Ecrire s’est aussi enclenché de cette façon.

Les thématiques étaient amenées par les jeunes aussi, même si le harcèlement par exemple (thème d’un des 2 autres films) faisait partie des objectifs d’ABC Cinéma pour le futur. La question du racisme n’a pas été abordée car les jeunes ne s’en sont jamais plaint. Cela n’a pas été amené par eux. Le focus a davantage été sur le bien-être, l’épanouissement, le jeu.

Vous pouvez retrouver le film sur la page ressources dédiée à la thématique Vivre enfant dans la migration.

Projet 3 : « La caravane des rêves. Parce que le rire est vital ! » - ASBL Clowns Sans Frontières Belgique

Clowns Sans Frontières est une organisation internationale dont la mission principale est d’intervenir dans les zones de conflits, de guerre ou de catastrophes naturelles avec comme priorité l’enfant. Ses bénévoles proposent de leur apporter autre chose que les soins de base : le rire, mais également une pacification des relations et de redonner aux enfants leur place d’enfant. Avec la crise migratoire, une partie de l’activité s’est centrée sur les enfants migrants en Belgique. Le projet « La caravane des rêves » veut rassembler des jeunes de différents milieux : des jeunes en situation précaire, des jeunes résidant en maisons d’accueil, des réfugiés et primo-arrivants et de jeunes Belges, peu importe leurs origines. Les rencontres prennent la forme de stages lors desquels tous les jeunes peuvent découvrir des techniques d’expression comme le théâtre d’ombre, le cirque et les arts urbains, au travers une pédagogie active. Chaque semaine de stage se clôture par la création d’un spectacle final auquel sont conviés parents, familles et amis.

L’équipe a organisé 8 caravanes des rêves à Bruxelles en 2017-2018. Vu le succès, elle a voulu étendre le projet au reste du pays. Les stages à Bruxelles se poursuivent en partenariat avec la COCOF tandis que le subside du Fonds a permis d’initier des stages en Wallonie…

L’équipe a aussi souhaité amener les publics à se rencontrer, les mineurs réfugiés avec les enfants belges. A la difficulté de la diversité des cultures au sein des centres s’est ajoutée la difficulté de faire sortir les jeunes des centres d’accueil.

Mais l’équipe a in fine pu mettre cela en place avec des groupes d’enfants de 7 à 12 ans et de 13 à 18 ans, avec les centres Croix-Rouge d’Yvoir et de Natoye, notamment. Malheureusement, la pandémie est arrivée et les jeunes migrants ont eu à subir « une double peine » : vivant déjà une sorte de confinement au sein du centre, les familles étaient tout à coup enfermées dans leur chambre. Le volet « mixité » du projet n’a pas pu se poursuivre.

 

© Clowns sans Frontières
© Clowns sans Frontières

Le travail de Clowns Sans Frontières avait néanmoins à ce moment encore plus de sens car la situation était encore plus difficile à vivre au sein des centres. Avec l’accord du Fonds Houtman, l’équipe a réorienté les objectifs du projet : pacifier les relations au sein du centre et amener le rêve à ces enfants en pleine pandémie.

 

Dès que cela a pu être possible, les artistes sont revenus dans les centres (d’abord en extérieur uniquement) pour offrir aux enfants un temps de rêve. Quand la situation s’est apaisée, ils ont reproposé des stages. Les centres ont pu se rendre compte de la nécessité de ce travail.

En 2021, quatre stages ont été organisés avec plusieurs « migracirques » (spectacles). Clowns Sans Frontières dispose aussi d’un guide du formateur basé sur le principe de l’intelligence collective.

Le projet s’est achevé en décembre 2021 mais une réelle dynamique s’est installée en Fédération Wallonie-Bruxelles, même si un travail pour relancer les financements est maintenant nécessaire.

Projet 4 : « S’épanouir à travers nos cent langages » - ASBL ékla

Ce projet va proposer à un groupe d’enfants et de jeunes du centre Fedasil de Morlanwelz (enfants en famille + MENA) un parcours artistique et culturel qui associe la découverte de spectacles et de lieux culturels, la participation à un atelier de création artistique et l’échange autour des expériences vécues. L’outil principal sera la danse.

En raison de la crise sanitaire, le projet a dû s’adapter. Le parcours culturel et artistique était presque à son terme ; 8 spectacles sur les 10 prévus ont pu avoir lieu. Cela a permis aux jeunes d’avoir une vraie expérience de spectateurs : l’avant et l’après-spectacle, le lieu singulier, la découverte des codes et des rituels, mais également l’évocation de certains stéréotypes. Ces sorties culturelles ont aussi permis aux éducateurs de découvrir les jeunes autrement. Le parcours culturel a donné une bonne base au groupe, une cohésion, un espace de confiance permettant ensuite d’entamer le travail de création des ateliers qui ont accueilli 17 jeunes.

 

Le cheminement effectué pendant les ateliers a été poursuivi lors d’un stage d’une semaine en juillet 2020. L’équipe souhaitait garder le groupe solidaire, mais cela n’a pas été totalement possible en raison des contraintes liées à la vie dans le centre. Le stage a accueilli 9 jeunes, parmi lesquels 4 nouveaux.

Lors du stage, les jeunes ont été rapidement mobilisés autour d’une dimension plus « performative » alliant la danse, le cirque et même le yoga. D’autres artistes sont intervenus comme le dessinateur Paul Mattéi et le musicien batteur/improvisateur Tom Malmendier. Le langage du dessin facilitait la compréhension. Les jeunes se retrouvaient dans les dessins de Paul Mattéi, qui peuvent être exposés sans dévoiler leur identité car ce sont des dessins métaphoriques. L’apport de la musique a été très riche. Tom Malmendier partage beaucoup avec les jeunes. En fin de semaine, l’atelier a été ouvert au personnel de FEDASIL et aux éducateurs.

« L’atelier a permis aux jeunes de dépasser également les barrières linguistique et culturelle et les replis communautaires observés par les éducateurs au sein du centre d’accueil. Les jeunes ont joué tous ensemble, ont ri, ont expérimenté, ont osé se dévoiler dans un climat bienveillant et respectueux. Ensemble, ils ont cherché à se dire et à se comprendre à travers les langages artistiques et dans le plaisir de partager leur langue maternelle. Ils se sont entre-aidés, se sont faits interprètes pour les uns ou pour les autres », explique I. Limbort, coordinatrice de projets pour ékla.

L’équipe a travaillé à la pérennisation du projet au sein du centre FEDASIL en constituant une « boîte à trésors ». Un livret photo des ateliers et du stage a été réalisé et distribué à chaque jeune, et un espace numérique sécurisé a été créé avec les outils pédagogiques, parmi lesquels :

 

  • Une quarantaine de fiches pédagogiques ;
  • Les images des spectacles ;
  • La playlist de Tom Malmendier ;
  • Les photos des séances d’ateliers ;
  • Les capsules vidéo réalisées tout au long du projet ;
  • Des fiches « Arts plastiques » reprenant les dessins de Paul Mattéi décolorisés ;
  • Une bibliographie pour aller plus loin.

 

Les dessins originaux de Paul Mattéi ont été encadrés afin d’être exposés au Centre FEDASIL.

© ékla, Come and dance, illustration de Paul Mattei
© ékla

Projet 5 : « Traces, reflets de réfugiés mineurs » - Maison de la Création-Centre Culturel Bruxelles-Nord

Ce projet avait pour objectif de permettre à de jeunes migrants (MENA entre 12 et 17 ans) résidant au centre d’accueil de Neder-Over-Heembeek de participer à des ateliers d’expression artistique.

L’équipe souhaitait leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences artistiques, telles que la photographie ou l’écriture, afin d’encourager une revalorisation personnelle par la participation à des ateliers d’expression artistique. La méthodologie des ateliers se basait sur une expérience réflexive où les jeunes ont pris une place active. Le projet voulait aussi rendre à ces jeunes un accès à leur imaginaire, à leur innocence et au ludique, malgré le poids de leur vécu.

Ils ont pu aborder des thèmes tels que la liberté d’expression d’enfants migrants et la réappropriation d’un discours sur leur identité. La question centrale : comment se montrer, exprimer son identité lorsque l’on doit se cacher, cacher son visage, taire son nom, d’où on vient, etc. ?

Les deux artistes/animatrices, Marion Colard et Ninon Mazeaud, ont passé deux mois dans le centre de Neder-Over-Hembeeck. Elles ont côtoyé lors des ateliers entre 25 et 30 jeunes entre 10 et 17 ans (surtout des + grands), 25-30 sur les 60-80 du centre. Cela représente beaucoup de rencontres et beaucoup d’aurevoirs nous ont-elles confié…

Les outils artistiques étaient variés mais trois thèmes ont été ciblés : le visage, l’objet et le lieu. En ce qui concerne l’objet, chaque jeune a notamment reçu un carnet.

Le projet a mis en avant l’importance des rituels en début et en fin d’atelier ; la question de la limite d’âge et du passage (difficile) à l’âge adulte pour ces jeunes, qui se retrouvent tout à coup avec encore moins de droits ; la question de l’évaluation (l’objectif n’étant pas le contenu artistique mais bien la création du lien et la rencontre) .

L’équipe visait également un autre objectif : via une exposition photo en fin de projet, elles voulaient sensibiliser le public aux enjeux migratoires.  l’exposition  a été présentée au Point Culture de Bruxelles et un livre a également été publié. Les jeunes ont reçu chacun un exemplaire et plusieurs d’entre eux sont venus à l’exposition.

En plus de son rôle de témoignage, ce livre doit permettre de sensibiliser et d’encourager les professionnels de l’accueil, mais également des secteurs culturel et artistique, à développer l’accès au jeu et aux loisirs pour les enfants migrants qu’ils accueillent au sein de leurs propres structures.

©Marion Colard et Ninon Mazeaud
©Marion Colard et Ninon Mazeaud

Projet 6 : « La marionnette liégeoise, outil social et culturel » - Karim Aït-Gacem/Musée de la vie wallonne

L’idée de ce projet était d’utiliser la marionnette comme outil social, pouvant jouer un rôle dans l’intégration des personnes issues de l’immigration plus ou moins récente et dans le rapprochement des publics.

En 2019, l’équipe avait prévu d’organiser des ateliers de création pour les enfants de la classe passerelle de l’école Vieille-Montagne du quartier Saint-Léonard, le « quartier aux 100 nationalités ». Cette classe comprenait des enfants issus de l’immigration récente. Cependant, elle a été démantelée et les enfants dispersés dans différentes classes. Des groupes ont alors été formés par les enseignants de primaire pour des ateliers qui se déroulaient le mercredi matin.

En 2020, en raison de la crise sanitaire, les ateliers n’ont plus pu se poursuivre à l’école Vielle-Montagne. Les ateliers se sont alors déroulés dans différents lieux en fonction des adaptations nécessaires à la situation sanitaire liée à la pandémie.

Un premier stage, initialement prévu à Pâques et reporté au mois d’août 2020, a eu lieu à la Maison des Jeunes « La Bibi ». Il était ouvert aux enfants de 6 à 12 ans. Aucun des enfants n’était familier des marionnettes et tous étaient issus de l’immigration récente. Les enfants du quartier Saint-Léonard ont travaillé ensemble à la création d’un spectacle. L’équipe leur a fait découvrir donc le personnage de Nasreddin Hodja. Le regret pour ce premier stage était que le souhait de mixité du projet n’était pas rencontré.

Durant les congés d’automne, un second stage a été organisé à la Maison des Jeunes « La Baraka » dans le quartier Sainte-Marguerite, qui présente les mêmes caractéristiques que le quartier Saint-Léonard. L’équipe ayant réalisé, lors du premier stage, que la mixité sociale est une chose qu’il faut réellement travailler, pour ce nouveau stage, cela a été fait via deux axes :

  • Communiquer beaucoup plus par les réseaux sociaux, sur internet à propos du stage à venir. Avec, comme résultat, de nombreux appels provenant de l’extérieur du quartier.
  • Communiquer vers les animateurs sur les activités plus artistiques car certaines activités sont considérées comme étant pour les enfants du quartier et d’autres non, parmi lesquelles les activités artistiques. Il a donc fallu convaincre les animateurs que le stage « marionnettes » pouvaient aussi intéresser les enfants du quartier. Ce qui a permis de rassembler un groupe d’enfants d’horizons différents.

L’équipe a réussi à pallier certaines difficultés rencontrées lors du stage précédent en mettant en place différents dispositifs novateurs.

Dans le travail de la marionnette, il y a un volet « individuel » ; et un volet « collaboration » dans la préparation des petites pièces (8 collaborations). Dans ce second volet, chacun était responsable de son décor et les autres venaient aider.

Il y a eu également parfois une difficulté au niveau de l’accès au vocabulaire. Lors du stage, après une introduction à l’histoire de Nasreddin Hodja, l’équipe a créé une histoire à partir de l’imaginaire des enfants et de leurs mots. Ensuite, ils ont cherché ensemble des synonymes à leurs mots. Ils ont également pu improviser des bandes son. Le stage s’est bien déroulé. Un regret : le spectacle avec les parents n’a pas pu avoir lieu en raison des conditions sanitaires. L’équipe a filmé les spectacles de marionnette conçus par les enfants et les a envoyés aux parents.

Ce projet est aujourd’hui en voie de pérennisation. Le partenariat avec le Musée de la vie wallonne a été reconduit, à la demande du Musée, et un partenariat solide avec la Maison des Jeunes « La Baraka » a été mis en place. Le projet s’est achevé au printemps 2021 par une formation/réflexion collective donnée par l’équipe à des animateurs socio-culturels.

© Karim Aït Gacem
© Karim Aït Gacem

Projet 7 : « Quartiers brodés - Traces d'histoires (Exprime-art) » - Plate-forme Mineurs en exil/SDJ

Ce projet a réuni des membres du SDJ et de la Plate-forme Mineurs en exil, et l’art-thérapeute Valérie Provost (Pierre Papier Ciseaux). Il s’agissait de réaliser une broderie collective grand format (sur laquelle était pré-dessiné un planisphère), avec les enfants de différents centres d’accueil. Cette grande toile a été transportée de centre en centre (notamment les centres MENA de Uccle, Jette et Woluwe). Sur ce planisphère, il était proposé aux enfants de broder leur parcours migratoire par des lignes, des mots, la mer, leur pays, ce qu’ils souhaitaient. Le projet a aussi permis, autour des ateliers créatifs organisés autour de la toile-planisphère, un accès à des informations juridiques pour les jeunes. Il leur a permis de recevoir des informations sur leurs droits et leur parcours tout en créant, en profitant d’un moment et d’un lieu d’expression doux.

De manière originale, cet atelier itinérant a fait se croiser loisir collectif autour d’une technique ancestrale et universelle faisant l’éloge de la lenteur, bien-être dans l’instant présent et échanges à caractère juridique. Les enfants (centres d’accueil Croix-Rouge et FEDASIL) ont été invités à compléter une broderie de grand format (3m2) représentant un planisphère, sur laquelle ils ont pu ajouter, à leur rythme, traits, morceaux de tissus, perles, petits objets, mais aussi symboles, mots et éléments figuratifs. Pendant l’atelier, échanges informels et formels ont surgi : frontières traversées, parcours migratoires, entraide entre jeunes, espoirs, besoins au quotidien, mais aussi questions juridiques liées à leur situation particulière et à leurs droits en Belgique. « L’objectif n’était pas la broderie en tant que telle, mais de libérer la parole », précise Christelle Trifaux, Directrice de l’ASBL Service Droit des Jeunes (SDJ). C’est ainsi que, tandis que deux professionnels s’occupaient de l’animation créative, un troisième répondait aux questions des enfants.

Ce projet porté par le SDJ, et avec lui la Plate-forme Mineurs en exil, s’inscrit dans une série, initiée par l’artiste plasticienne et art-thérapeute Valérie Provost, sous le titre « Quartiers brodés ». Elle nourrit la réalisation d’œuvres textiles collectives de grand format représentant des espaces géographiques en vue plongeante (un quartier, un pays, le monde…). Le projet peut apporter détente, découverte et expérimentation, renforcement de la confiance en soi, mise en mouvement, soin de soi, y compris là où le vécu est indicible, soutien d’un sentiment d’identité, entraide dans un objectif commun, fierté et inclusion… Les jeunes ont clairement utilisé l’espace graphique textile mis à disposition comme lieu d’expression de soi de manière visible et invisible, comme moment de tissage de liens à soi et aux autres (y compris aux absents, en attestent notamment ce jeune qui brode le mot « maman » dans la toile, ces autres qui ajoutent cœurs et mots d’amour). Le SDJ a répondu à des questions liées aux procédures administratives, à la scolarité, au rôle du tuteur, au fonctionnement politique du pays, et est resté disponible après coup.

La fresque, toujours en cours de réalisation, est passée, le temps de 8 ateliers étalés sur 2 ans, par deux centres d’accueil MENA de la Croix-Rouge (Uccle et Jette) et par un centre d’observation et d’orientation de FEDASIL (Woluwe-St-Pierre). Elle a été exposée lors de la journée anniversaire de la Plate-forme Mineurs en exil, et par ailleurs chez Pierre Papier Ciseaux dans le cadre du Parcours d’artistes de Saint-Gilles (2019), dans un objectif de sensibilisation du grand public. L’œuvre est destinée à être poursuivie, par d’autres jeunes et familles. Elle gardera toujours en elle des traces d’histoires. Ce projet s’est clôturé en janvier 2021.

© Quartiers brodés, Valérie Provost
© Fonds Houtman

Plus d’informations dans le Cahier du Fonds n°31 « Vivre enfant dans la migration ».